Une équipe de recherche basée à l'Institut de Physique Expérimentale de l'Université d'Innsbruck et à l'IQOQI (Institute for Quantum Optics and Quantum Information, un institut de l'Académie des Sciences autrichienne) a réussi à démontrer expérimentalement la faisabilité d'une étape cruciale dans le développement d'un ordinateur quantique: la correction itérative d'erreurs. La même équipe a également réussi à intriquer 14 bits quantiques (ou qubits) (1), ce qui constitue un record mondial.

Pourquoi les correcteurs d'erreurs sont importants

Pour tout système traitant des données, il existe des sources d'erreurs potentielles (réseau défectueux pour la transmission de données numériques par exemple). Des méthodes pour l'informatique classique ont ainsi été développées afin d'identifier et de corriger automatiquement les différentes erreurs produites au cours de la manipulation des données. Or les systèmes quantiques sont, de par leur nature même, encore plus sensibles aux perturbations que les systèmes classiques ; la correction d'erreurs pour un tel système demande donc un algorithme particulièrement performant. Le groupe de recherche mené par le physicien autrichien Rainer Blatt a démontré la faisabilité de la réalisation pratique d'un tel algorithme.

Contrairement à ce qui se fait pour un système classique, il n'est pas possible de copier l'information quantique - et par conséquent de comparer plusieurs fois les données pour détecter les éventuelles erreurs. Il est ainsi nécessaire de recourir à l'intrication, un phénomène quantique dans lequel l'état quantique de deux objets spatialement séparés se décrit globalement: deux particules intriquées forment en réalité un système unique, même si elles sont loin l'une de l'autre.

En pratique, les physiciens de l'équipe ont stocké trois ions calcium - dont l'un représente le qubit de référence, les deux autres représentent chacun un qubit auxiliaire - dans un piège ionique. La première étape consiste à intriquer le qubit de référence avec les deux autres, ce qui transfère l'information quantique sur les trois particules. Ensuite, un algorithme quantique mis au point par les chercheurs vérifie s'il y a une erreur, détermine laquelle s'il y en a une et la corrige. Après la correction, les deux ions auxiliaires sont soumis à un faisceau laser qui, en changeant leur état quantique, permet de les réinitialiser: c'est cet ajout expérimental qui permet de corriger les erreurs de façon répétitive.

Ce groupe de recherche est en pointe dans le domaine de l'informatique quantique. Il y a trois ans, il avait par exemple déjà présenté une porte quantique dont les sorties sont correctes plus de 99 fois sur 100.

Calculer sur 14 qubits

Le groupe est également détenteur d'un nouveau record depuis peu: celui de la taille d'un registre quantique. L'équipe a en effet pu réaliser l'intrication contrôlée de 14 qubits. Le précédent record, 8 qubits, datait de 2005 et était détenu... par la même équipe. Les 14 qubits -des ions calcium, encore- ont été confinés dans un piège ionique et manipulés à l'aide de lasers.

Les physiciens ont constaté que le taux de désintégration des atomes n'est pas linéairement proportionnel au nombre de qubits, mais proportionnel au carré du nombre de qubits. Cela signifie que la sensibilité d'un système quantique augmente significativement lorsque le nombre de particules intriquées augmente. Ce phénomène est connu sous le nom de superdécohérence et a rarement été observé jusqu'à présent.

Note: (1) Un bit quantique est une grandeur qui, une fois mesurée, vaut 0 ou 1 comme un bit classique. Mais elle se trouve avant la mesure dans un état de superposition des deux valeurs. Par ailleurs, comme le processus de mesure détruit cet état de superposition, il est impossible de copier un bit quantique.