Des neutrinos en flagrant délit de métamorphose
Par Benje le jeudi, juillet 7 2011, 09:36 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Pour la première fois, les physiciens de l'expérience T2K au Japon, parmi lesquels ceux du CNRS (1) et du CEA/Irfu, annoncent
avoir très probablement détecté une transformation de neutrinos muons en
neutrinos électrons. L'observation - probable à plus de 99% - de ce
phénomène constituerait une découverte majeure pour la compréhension de
la physique des particules élémentaires et ouvrirait la voie à de nouvelles études sur l'asymétrie entre la matière et l'antimatière.
Les neutrinos existent sous trois formes ou "saveurs": les neutrinos
électrons, muons et tau. L'expérience T2K, située au Japon, étudie le
mécanisme d'oscillation de ces particules, c'est-à-dire la faculté
qu'elles ont à se transformer en une autre saveur dans leurs
déplacements. Son principe est d'observer les oscillations des neutrinos
sur une distance de 295 km, entre les sites de Tokai, où les neutrinos
muons sont produits grâce à l'accélérateur de particules de JPARC (2) sur la côte est du Japon, et le détecteur Super-Kamiokande, une cuve d'eau cylindrique de 40 mètres de diamètre et 40 mètres de hauteur située à 1 000 mètres sous terre, près de la côte ouest (d'où son nom T2K, qui signifie "de Tokai à Kamiokande").
Les analyses des données collectées entre la mise en service de
l'expérience en janvier 2010 et mars 2011 (l'expérience a été arrêtée
avec le séisme du 11 mars) montrent que durant cette période, le
détecteur Super-Kamiokande a enregistré un total de 88 neutrinos, parmi lesquels 6
neutrinos électrons qui proviendraient de la métamorphose de neutrinos
muons en neutrinos électrons. Les 82 neutrinos restants seraient
essentiellement des neutrinos muons n'ayant subi aucune transformation
entre leur point
de production et leur détection. Des mesures utilisant un GPS
certifient que les neutrinos identifiés par le détecteur
Super-Kamiokande ont bel et bien été produits sur la côte est du Japon. Les physiciens estiment ainsi que les résultats obtenus correspondent à une probabilité de 99,3% de découverte de l'apparition des neutrinos électrons.
L'expérience T2K redémarrera dès la fin de cette année. Bien que situés
dans une zone sismique proche de l'épicentre du tremblement de terre du
11 mars 2011, le laboratoire JPARC et les détecteurs proches de T2K
n'ont subi heureusement que des dégâts minimes. Le prochain objectif de
T2K est de confirmer avec davantage de données l'apparition des
neutrinos électrons et, mieux encore, de mesurer le dernier "angle de mélange", un paramètre du modèle standard qui ouvrirait la voie aux études de l'asymétrie entre la matière et l'antimatière dans notre Univers.
La collaboration T2K regroupe plus de 500 physiciens de 62 institutions
réparties dans 12 pays (Japon, pays européens et États-Unis). Les
équipes du CNRS et du CEA/Irfu ont mis au point certains instruments de
mesure utilisés dans les détecteurs proches (situés à 280 mètres du
point de production des neutrinos et nécessaires à contrôler
l'expérience) et participé à la calibration du détecteur
Super-Kamiokande. Elles ont également contribué à l'analyse des données.
Notes: (1) Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (CNRS / Université Pierre et Marie Curie / Université Paris Diderot-Paris 7), Institut de physique nucléaire de Lyon (CNRS / Université Lyon 1), Laboratoire Leprince-Ringuet (CNRS / École Polytechnique).
(2) Japan Proton Accelerator Research Complex