Source: BE Etats-Unis numéro 251 (17/06/2011) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/ ... /67050.htm

D'après une étude de l'Université de Californie Davis (UC Davis), parue le 8 Juin dans Proceedings of the Royal Society B., certaines espèces d'animaux et de plantes pourraient ne pas être capables d'évoluer et de s'adapter suffisamment pour survivre au changement climatique. Ces résultats conduisent à s'interroger sur la capacité des modèles actuels à prédire justement les réponses biologiques au changement climatique.

L'équipe de recherche a étudié les capacités d'adaptation d'une espèce spécifique de copépode, un petit crustacé vivant exclusivement dans des mares résiduelles, des points d'eau formés dans la roche par les marées. Nommée Tigriopus californicus, cette espèce est présente sur près de 3000 kms de latitude, vivant du sud de l'Alaska à la région de Basse Californie (Mexique), ce qui témoigne d'une capacité d'adaptation à des climats et des températures très différentes.

Huit populations de copépodes ont été collectées à plusieurs latitudes différentes. Elles ont été élevées dans des environnements artificiels et soumises à une augmentation progressive de température. Leur réponse en termes d'adaptation et de tolérance thermique a été observée et mesurée sur 10 générations.

"Il s'agit d'une question à laquelle beaucoup de scientifiques s'intéressent: est-ce que les organismes ont la capacité de s'adapter au changement climatique sur une période de quelques décennies ?" déclare Eric Sanford, co-auteur de l'article, professeur en évolution et écologie à l'Université à UC Davis et chercheur au Laboratoire Marin de Bodega de l'Université.

Les résultats d'analyse montrent que la tolérance thermique varie fortement entre les différentes populations, celle-ci étant significativement plus importante chez les populations provenant de basses latitudes, au sein des climats plus chauds. Cependant, l'augmentation de la tolérance thermique au fil des générations reste très limitée, ne dépassant pas 0,5°C maximum. Pour la plupart des populations, cette augmentation de tolérance stagne rapidement avant ce point. De plus, les groupes provenant des hautes latitudes ne parviennent pas à atteindre les niveaux de tolérance plus élevés de ceux des basses latitudes, aussi bien après acclimatation ou évolution sur 10 générations.

D'après Morgan Kelly, auteur principale du papier et étudiante à UC Davis, bien que les copépodes soient actuellement capables de supporter d'importantes variations de température - de l'ordre de 20°C par jour, ils pourraient se trouver à la limite de leur capacité d'évolution en termes de tolérance thermique.

Les résultats de l'étude montrent qu'une espèce dotée d'une forte distribution spatiale et donc d'une grande capacité d'adaptation aux différents climats peut aussi être souffrir d'une faible capacité d'évolution. Ces résultats vont à l'encontre de nombreux modèles actuels, qui considèrent que plus une espèce est répandue géographiquement, plus elle aurait la capacité de développer de nouveaux phénotypes résistant à une augmentation de température et moins elle serait vulnérable au changement climatique.

Cependant, bien que les copépodes soient répartis sur une large zone géographique, les populations sont en réalité très isolées les unes des autres. Vivant dans des points d'eau se formant dans la roche grâce aux marées, ils restent confinés dans leur espace et n'entrent en interaction avec d'autres mares que lorsqu'ils sont transportés par une vague. Cela limite fortement les possibilités d'échange génétique entre populations, limitant ainsi leur capacité d'évolution dans le domaine de la tolérance thermique.

"L'hypothèse générale a toujours été que les espèces très répandues [géographiquement] disposaient d'une quantité importante de matériel génétique pour assurer leur évolution, mais cette étude montre que cela n'est peut-être pas le cas" déclare Rick Grosberg, co-auteur de l'étude et professeur en évolution et écologie à l'université à UC Davis. Pour cette raison, l'étude conclue que les modèles actuels sont susceptibles de sous-estimer les risques d'extinction d'espèces dus à l'augmentation de température atmosphérique et marine résultant du changement climatique. Elle recommande d'inclure plusieurs facteurs importants au sein de ces modèles, comme la transmission génétique au sein d'une espèce.

Grosberg affirme que de nombreuses espèces d'animaux, d'oiseaux et de plantes ont vu leur habitat fragmenté par l'activité humaine, et sont soumis à la pression du changement climatique. A l'instar des copépodes, nombre d'entre elles pourrait similairement avoir une capacité limitée à s'adapter au rythme rapide du changement climatique. "[...] De nombreux organismes ont déjà atteint leurs limites environnementales, et la sélection naturelle ne pourra pas nécessairement les sauver".