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Le système de récompense du cerveau joue un rôle majeur dans la vitesse d'apprentissage et la mémorisation.

Pour apprendre le plus vite possible à des individus à exécuter des tâches motrices simples, comme tricoter, jongler ou encore taper sur un clavier d'ordinateur, il suffit de leur offrir une récompense. Cela ne veut pas dire que l'homme est vénal. Mais seulement que l'idée d'obtenir un cadeau active le système de récompense dans le cerveau, et augmente la libération d'un neurotransmetteur bien particulier, la dopamine. C'est la démonstration que viennent d'effectuer Mathias Pessiglione, chercheur à l'Inserm, et ses collaborateurs du centre de recherche de l'Institut du Cerveau et de la moelle épinière, dont les travaux sont publiés dans la revue Brain.

Ces chercheurs ont demandé à des volontaires de regarder une image sur un écran, représentant cinq touches d'un clavier d'ordinateur, avec la consigne d'appuyer le plus rapidement possible sur trois d'entre elles de manière simultanée. Pour chaque exécution, ils leur proposaient une récompense allant de 10 centimes à 10 euros, selon les cas. "L'idée était de vérifier le fait qu'une récompense pouvait influencer un apprentissage moteur", explique Mathias Pessiglione. "On aurait pu proposer un autre type de récompense, comme un cadeau, applaudissement ou autre, mais l'argent est plus facile à quantifier."

Gilles de la Tourette

Le résultat est sans appel : les participants exécutent d'autant plus rapidement la tâche qu'ils reçoivent la récompense la plus élevée (10 euros). "Une fois que nous avons fait ce constat, notre objectif a été d'essayer de comprendre ce qui se passait dans le cerveau des participants", continue le chercheur. "Nous avons émis l'hypothèse que le circuit de la dopamine pouvait être impliqué dans ces processus." Cette hypothèse semblait logique puisqu'il a été démontré, depuis longtemps, que la libération de dopamine permettait de renforcer l'efficacité de certains neurones impliqués dans la coordination visuo-motrice (lien entre ce que je vois et ce que je fais).

Pour valider cette piste de recherche, les scientifiques ont sélectionné des personnes chez qui la libération de dopamine était augmentée, en l'occurrence des patients atteints de la maladie de Gilles de la Tourette. Cette pathologie neurologique entraîne des tics moteurs et vocaux involontaires, soudains, brefs et intermittents. Elle est caractérisée, entre autres, par une trop forte libération de dopamine dans le cerveau. Des malades atteints du syndrome ont donc été soumis au même test consistant à appuyer le plus vite possible simultanément sur trois touches de clavier d'ordinateur. La moitié d'entre eux étaient traités par des médicaments bloquant le circuit de la dopamine (neuroleptiques), tandis que l'autre non.

Libération accrue de dopamine

Là encore, le résultat est sans appel : lorsque la récompense monétaire est la plus élevée, les malades sans traitement apprennent à exécuter la tâche bien plus rapidement que les patients traités, et surtout plus vite que les volontaires sains. "C'est donc la preuve que les récompenses monétaires améliorent l'apprentissage moteur chez l'homme et que cet effet passe par une libération accrue de dopamine dans le cerveau", conclut Mathias Pessiglione.

Ces résultats sont également un argument de plus en faveur d'un lien entre l'excès de dopamine chez les personnes atteintes du syndrome de Gilles de la Tourette et leurs tics moteurs. Les chercheurs travaillent déjà sur les nouveaux traitements neuroleptiques qui ne bloquent pas la dopamine, permettant donc de diminuer les tics, sans altérer l'effet des récompenses chez les malades atteints de la maladie de Gilles de la Tourette. Ils s'intéressent aussi aux personnes souffrant de la maladie de Parkinson qui, à l'opposé, manquent de dopamine. Prochains résultats attendus dans quelques mois.