Les métaux lourds au secours de l'immunité
Par Benje le mardi, septembre 20 2011, 20:54 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Un nouveau mécanisme de défense naturelle contre les infections vient
d'être mis en évidence par une équipe internationale menée par des
chercheurs du CNRS, de l'Inserm, de l'Institut Pasteur et de l'Université Paul Sabatier – Toulouse III (1). Le zinc, métal lourd
toxique à forte dose, est utilisé par les cellules du système
immunitaire pour éliminer les microbes tels que le bacille de la
tuberculose ou E. coli. Publiée dans la revue Cell Host & Microbe
le 14 septembre 2011, cette découverte permet d'envisager de nouvelles
stratégies thérapeutiques et de tester de nouveaux candidats-vaccins.
L'une des stratégies bien connues de notre système immunitaire pour
détruire les microbes consiste à les priver de nutriments essentiels
comme les métaux lourds, notamment le fer. Pour la première fois, une
étude internationale menée par les chercheurs de l'Institut de
pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Paul Sabatier –
Toulouse III), du Centre d'immunologie de Marseille Luminy
(CNRS/Inserm/Université de la Méditerranée) et de l'Institut Pasteur,
révèle que l'inverse est également vrai: les cellules immunitaires sont
capables de mobiliser des réserves de métaux lourds, en particulier de
zinc, pour intoxiquer les microbes. Ce phénomène vient d'être mis en
évidence pour Mycobacterium tuberculosis, l'agent de la tuberculose chez l'homme qui fait près de 2 millions de morts par an dans le monde
ainsi que pour Escherichia coli dont certaines souches sont
responsables d'infections graves du système digestif et urinaire. Dans
les cellules du système immunitaire (les macrophages (2)) ayant
ingéré M. tuberculosis ou E. coli, les chercheurs ont constaté une
accumulation rapide et persistante de zinc. Ils ont également observé la
production de nombreuses protéines à la surface
des microbes dont la fonction est de "pomper", c'est-à-dire d'éliminer
les métaux lourds à l'extérieur de ces organismes. Dans les macrophages,
les microbes sont donc exposés à des quantités potentiellement toxiques
de zinc et ils tentent de se protéger contre une intoxication en
synthétisant ces pompes. Preuve en est qu'en inactivant par génie
génétique ces pompes, M. tuberculosis et E. coli deviennent encore plus
sensibles à la destruction par les macrophages.
Le zinc, bien que toxique quand il est ingéré en trop grande quantité,
est donc bénéfique pour le système immunitaire, en particulier parce
qu'il est utilisé par les macrophages pour intoxiquer les microbes. Des
mécanismes équivalents pourraient exister pour d'autres métaux lourds
comme le cuivre. Ces résultats ont des implications cliniques très
concrètes. Ils permettent notamment de reposer la question de la
complémentation nutritionnelle dans le traitement des malades (ex. par
le zinc). Ils pourraient aussi être à l'origine de nouveaux
antibiotiques qui bloqueraient l'action des pompes microbiennes à métaux
ou de nouvelles souches vaccinales atténuées qui sont actuellement déjà
testées comme candidats vaccins.
Notes: (1) Ces chercheurs travaillent à l'Institut de pharmacologie et de
biologie structurale (CNRS/Université Paul Sabatier – Toulouse III), au
Centre d'immunologie de Marseille Luminy (CNRS/Inserm/Université de la
Méditerranée) et au sein de l'Unité de génétique mycobactérienne de
l'Institut Pasteur.
(2) Un macrophage est une cellule du système immunitaire. Il est
localisé dans les tissus pouvant être soumis à des infections ou à une
accumulation de débris à éliminer (foie, poumons, ganglions
lymphatiques, rate...) et possède notamment une fonction de phagocytose,
à savoir la capacité d'ingérer des bactéries,
levures, débris cellulaires... (la vésicule intracellulaire formée lors
de la phagocytose est appelée phagosome et sera dirigée vers le
lysosome pour sa dégradation complète).
Référence: P1-type ATPases mediate microbial resistance to zinc poisoning in human
macrophages. Botella H, Peyron P, Levillain F, Poincloux R, Poquet Y,
Brandli I, Wang C, Tailleux L, Tilleul S, Charrière G, Waddell SJ, Foti
M, Lugo-Villarino G, Gao Q, Maridoneau Parini I, Butcher PD, Ricciardi
Castagnoli P, Gicquel B, de Chastellier C & O Neyrolles, Cell Host
& Microbe, 14 septembre 2011