Des accéléromètres à atomes froids de plus grande précision
Par Benje le dimanche, septembre 25 2011, 08:26 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Pour la première fois, une équipe de physiciens français (CNRS, Institut
d'Optique Graduate School, Observatoire de Paris, ONERA, UPMC, Université Paris-Sud et Université de Bordeaux), soutenue par le CNES et l'ESA, a réussi à mettre au point un accéléromètre à atomes froids résistant aux vibrations. Testé lors d'un vol parabolique,
ce prototype a pu mesurer des accélérations infimes, ce qui n'était
possible jusqu'ici qu'en laboratoire. De quoi espérer développer bientôt
des accéléromètres à atomes froids transportables et ainsi
perfectionner les systèmes de positionnement
et la prospection géologique, ou encore tester directement des volets
de la relativité d'Einstein. Ces résultats sont publiés dans Nature communications.
Les accéléromètres atomiques offrent une précision nettement supérieure
aux accéléromètres traditionnels, employés notamment dans les
smartphones ou à bord des satellites et des navires. Hélas, ils doivent
leur fragilité à leur principe même de fonctionnement: ils utilisent des atomes refroidis par laser à une température proche du zéro
absolu. Les atomes manifestent alors un comportement ondulatoire, comme
les faisceaux lumineux, permettant de réaliser des interféromètres à ondes de matière
extrêmement sensibles aux accélérations. C'est cette particularité
qu'exploitent les accéléromètres atomiques, mais au prix d'une complexité expérimentale diabolique et d'une extrême sensibilité aux vibrations.
Les faire fonctionner à bord de l'Airbus "A300 ZERO-G" de la société
Novespace, qui décrit des paraboles dans le ciel pour reproduire la microgravité, relevait donc de la gageure. Pour y parvenir, l'équipe de chercheurs a inventé une technique inédite en croisant les données
issues de l'accéléromètre atomique avec celles d'accéléromètres
conventionnels. Cela leur a permis de mesurer l'accélération de l'avion
avec une précision plusieurs centaines de fois supérieure aux autres
accéléromètres à partir d'un signal pourtant extrêmement bruité en raison des secousses permanentes.
La démonstration de la viabilité de cet accéléromètre atomique en
conditions difficiles ouvre la voie à une exploitation commerciale. Le
modèle utilisé en vol était volumineux (4 m3), mais les scientifiques du CNRS
en ont développé depuis une version transportable, de la taille d'une
malle. Commercialisée dès l'an prochain, elle est destinée avant tout
aux laboratoires de recherche en géophysique. En effet, toute variation dans la composition de la croûte terrestre se reflète dans le champ de pesanteur
local: en cartographiant finement ce champ sur le terrain à l'aide d'un
accéléromètre atomique, on pourrait identifier des filons minéraux,
surveiller l'activité sismique ou volcanique du sous-sol, contrôler la
sécurité de puits de pétrole...
Sur le plan de la recherche fondamentale, l'accéléromètre va servir à tester le principe d'équivalence de la relativité générale, selon laquelle l'accélération de la gravité
est la même pour tous les objets. C'est d'ailleurs pour cette raison
que les chercheurs ont veillé à rendre leur instrument capable
d'encaisser des vols paraboliques, au cours duquel l'appareil se trouve
brièvement en microgravité. Le principe d'équivalence sera mis à
l'épreuve lors de prochaines expériences en vol, mettant en scène deux
accéléromètres atomiques fonctionnant avec des atomes de nature différente.
Les scientifiques chercheront ainsi à savoir si les accéléromètres
donnent strictement les mêmes résultats. Une réponse affirmative
signifierait qu'Einstein avait raison.
Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet ICE (Interféromètre
Cohérence dans l'Espace) qui est une collaboration entre:
- le Laboratoire Charles Fabry (Institut d'Optique Graduate School, CNRS, Université Paris-Sud)
- le Laboratoire Photonique Numérique et Nanosciences (Université Bordeaux 1, Institut d'Optique Graduate School, CNRS)
- le LNE-SYRTE (Observatoire de Paris, CNRS, UPMC, Laboratoire national de métrologie et d'essais)
- l'ONERA, The French Aerospace LabTM
- le CNES, Centre national d'études spatiales