Source: CNRS-INSB

Des chercheurs de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC, CNRS/Inserm/Université de Strasbourg) ont dévoilé un nouveau mécanisme à l'origine de la diversification des anticorps et donc de l'efficacité de notre système immunitaire. Ces résultats publiés le 11 juillet 2011 dans Journal of experimental medicine permettraient de développer des vaccins plus efficaces mais aussi de nouvelles thérapies anti-cancéreuses.

Le système immunitaire possède de nombreuses cellules spécialisées qui traquent et éliminent les microbes s'introduisant dans notre corps. Parmi ces cellules, on trouve les lymphocytes B, qui constituent un type de globules blancs particulièrement importants car ils produisent des anticorps. Également appelées immunoglobulines, ces petites molécules sont capables d'identifier les corps étrangers et de les détruire. Le principe de la vaccination consiste justement à introduire un agent pathogène rendu inoffensif dans l'organisme afin que ce dernier produise des anticorps spécifiques de la maladie et soit plus réactif en cas de réelle infection.

Le système immunitaire n'est donc pas entièrement acquis à la naissance mais se met en place progressivement avec le temps. Chaque individu détient d'abord un répertoire d'anticorps "de base", capable de limiter l'invasion de notre organisme par des agents pathogènes. Cependant, faire appel à ce répertoire est insuffisant ; celui-ci doit être diversifié au cours des réponses immunes, afin d'augmenter la spécificité et d'ajuster les fonctions protectrices des anticorps.

Ainsi, les mécanismes de diversification des immunoglobulines sont essentiels à l'élimination des pathogènes et à la mise en place d'une immunité spécifique, adaptée et de longue durée. L'enzyme AID ou "Activation induced cytidine deaminase" se trouve être à l'origine de ces mécanismes. Elle agit en introduisant des mutations et des cassures ciblées au niveau des régions de l'ADN codant pour les anticorps. Ces lésions augmentent la spécificité des anticorps en sélectionnant les plus efficaces et en adaptant leur fonction.

Malgré son rôle clé dans la réponse immunitaire, l'activité d'AID peut être dangereuse puisqu'elle provoque des cassures et des mutations dans l'ADN. Si les dommages infligés par l'enzyme à l'ADN sont mal réparés, ou si l'enzyme cible un autre endroit du génome, son activité peut conduire à l'apparition de cancers. Une grande partie des lymphomes B provient notamment d'un dérèglement de l'activité d'AID. Depuis de nombreuses années, les chercheurs s'interrogent donc sur les processus qui permettent à cette dernière de cibler spécifiquement les gènes codant pour les anticorps, qui ne représentent pourtant qu'un infime pourcentage du génome.

L'équipe de Bernardo Reina-San-Martin à l'IGBMC travaille depuis plusieurs années sur les mécanismes de l'immunité. Dans leurs derniers travaux, les chercheurs sont parvenus à montrer que l'AID s'associe avec d'autres protéines pour constituer un complexe qui participe au maintien de l'activité de l'enzyme sur les gènes des immunoglobulines. Ces résultats, obtenus avec la collaboration du Howard Hughes medical institute (HHMI, Boston, USA) et de la Harvard medical school (HMS, Boston, USA), contribuent à faire avancer la compréhension des mécanismes d'action d'AID. A terme, ils pourraient permettre de proposer de meilleurs vaccins, en optimisant l'activité de l'enzyme pour augmenter l'affinité et les fonctions protectrices des anticorps. Ils ouvrent également de nouvelles perspectives dans le domaine de la lutte contre le cancer.