Une sonde moléculaire contrôlant le métabolisme d'une plante
Par Benje le mardi, octobre 4 2011, 09:55 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Des chercheurs du CEA (1), du CNRS, de l'Inra, et des Universités Joseph Fourier de Grenoble et Montpellier 2, ont mis au point une sonde moléculaire, la Galvestine-1, capable de contrôler de manière ultra-fine l'activité d'une enzyme chez la plante Arabidopsis thaliana.
Cette enzyme, MGD1, est responsable de la synthèse des galactolipides,
principaux constituants des membranes photosynthétiques. Grâce à cette
méthode innovante de "génétique chimique", les scientifiques ont pu
identifier le rôle des galactolipides dans le développement de la
plante. Ce résultat vient de faire l'objet d'une publication en ligne
dans la revue Nature Chemical Biology du 25 septembre 2011.
Comment contrôler l'activité d'une enzyme au sein d'un organisme vivant ?
Une des méthodes couramment utilisées consiste à modifier le gène
codant pour l'enzyme ciblée. Mais il existe d'autres méthodes, notamment
celle mettant en jeu de petites molécules organiques. Celles-ci vont
directement agir au niveau de l'enzyme et ainsi permettre un contrôle
beaucoup plus fin de son activité
et donc de l'organisme vivant. Des chercheurs du CEA, du CNRS, de
l'Inra et des Universités Joseph Fourier de Grenoble et Montpellier 2,
ont été parmi les premiers à utiliser cette dernière approche, dite de
"génétique chimique", chez un organisme végétal, Arabidopsis thaliana.
Il leur a fallu dix ans de recherches pour sélectionner le bon composé,
parmi une collection de 24 000 molécules, synthétiser 250 analogues et
caractériser son fonctionnement depuis l'enzyme isolée jusqu'à la plante
entière. La petite molécule, ou sonde moléculaire, qui sera finalement
utilisée pour agir sur l'enzyme MGD1, a été appelée "Galvestine-1".
L'enzyme MGD1 est responsable de la synthèse des galactolipides,
principaux constituants des membranes photosynthétiques, au sein
desquelles s'effectue la capture de l'énergie solaire, indispensable au
développement des plantes. Pour seulement un mètre carré de feuilles, ces membranes déroulées représenteraient l'équivalent en surface
de un à trois terrains de football ! Les galactolipides constituent
ainsi les lipides les plus abondants et les plus importants de la biosphère. Ils sont si importants que la suppression du gène codant pour leur enzyme, la MGD1, entraîne la mort de la plante.
L'utilisation de la "Galvestine-1" permet aux chercheurs d'étudier les
réactions d'Arabidopsis thaliana à des quantités variables de
galactolipides. En effet, en se fixant sur le site de liaison de
l'enzyme MGD1, la molécule inhibe progressivement l'activité de
celle-ci, diminuant, de ce fait, la quantité de galactolipides
synthétisée. Ainsi, en plaçant cette sonde moléculaire à l'endroit et au stade
de développement voulus, les chercheurs contrôlent le métabolisme des
lipides de manière extrêmement fine. Ils ont notamment introduit la
"Galvestine-1" au niveau du tube pollinique, qui conduit le gamète mâle
vers le gamète femelle au moment de la fécondation, ce qui leur a permis
de montrer le rôle déterminant des galactolipides dans la germination
du pollen.
Au-delà de son intérêt pour la compréhension des mécanismes fondamentaux
de la physiologie des plantes, cette approche de "génétique chimique"
ouvre la voie au développement de diverses molécules organiques. En
particulier, les chercheurs s'intéressent à la production de lipides aux
qualités optimisées pour de nombreuses applications biotechnologiques
comme la mise au point d'herbicides.
Note: (1) CEA: Institut de biologie et de technologies de Saclay
(iBiTec-S/Saclay) et Institut de recherche et technologies pour les
sciences du vivant (iRTSV/Grenoble)
Référence: Chemical inhibitors of monogalactosyldiacylglycerol synthases in Arabidopsis thaliana
Cyrille Y. Botté, Michael Deligny, Aymeric Roccia, Anne-Laure Bonneau,
Nadia Saïdani, Hélène Hardré, Samia Aci, Yoshiki Yamaryo-Botté, Juliette
Jouhet, Emmanuelle Dubots, Karen Loizeau, Olivier Bastien, Laurent
Bréhélin, Jacques Joyard, Jean-Christophe Cintrat, Denis Falconet,
Maryse A. Block, Bernard Rousseau, Roman Lopez, Eric Maréchal, Nature
Chemical Biology, online, Sep/25/2011.