La précision de la symétrie chez la mouche
Par Benje le mercredi, octobre 12 2011, 23:24 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
La Cycline G est une protéine impliquée dans la régulation du cycle cellulaire, processus complexe de division
des cellules chez les organismes munis d'un noyau (eucaryotes). Une
équipe de chercheurs autrichiens et deux équipes de chercheurs français,
dirigées par Vincent Debat (1) du laboratoire "Origine structure évolution de la biodiversité" (Muséum national d'Histoire naturelle / CNRS) et Frédérique Peronnet (2)
du laboratoire "Biologie du développement" (UPMC / CNRS), se sont
intéressées au rôle de cette protéine chez la drosophile, également
appelée mouche du vinaigre, et notamment à son implication dans le
développement symétrique de celle-ci. Les chercheurs montrent, dans une
étude qui vient d'être publiée dans la revue PLoS Genetics, que le niveau d'expression de la Cycline G serait fondamental pour le développement de mouches parfaitement symétriques.
Le caractère bruité – aléatoire – de tous les phénomènes biologiques,
des molécules à la physiologie, altère la précision de la réplication
des phénotypes, et impose des limites à l'efficacité de la sélection
naturelle (et artificielle). L'imperfection de la symétrie, appelée asymétrie fluctuante, est la façon la plus simple de mesurer la conséquence du bruit
développemental. Malgré des recherches intenses depuis une cinquantaine
d'années, les bases génétiques de la stabilité de développement –
c'est-à-dire les processus qui réduisent le bruit (et donc l'asymétrie
chez les organismes à symétrie bilatérale) – sont mal comprises.
A l'aide de techniques de transgénèse, les chercheurs ont surexprimé ou
inactivé le gène de Cycline G dans les mouches génétiquement homogènes
et élevées en conditions environnementales contrôlées. La dérégulation
de la Cycline G chez la drosophile provoque ainsi une véritable
explosion du niveau de bruit développemental, se manifestant par une
très forte augmentation des asymétries aléatoires. En effet, les
résultats de cette expérience montrent que l'asymétrie est détectée non
seulement sur les ailes des drosophiles, mais également sur les pattes.
Par ailleurs, les ailes ont été examinées au niveau cellulaire. Tandis
que chez les mouches sauvages (donc symétriques), il est observé que
plus la taille des cellules des ailes est grande et plus le nombre de
cellules observées est petit ; chez les mouches asymétriques, cette
étroite corrélation négative entre taille et nombre des cellules
observées est perdue. Cette expérience suggère donc que la compensation
entre croissance cellulaire et division cellulaire est un facteur
central au maintien de la taille des ailes chez la drosophile – et donc
de la stabilité de développement des ailes – et que la cycline G joue un
rôle fondamental dans le maintien de cet équilibre.
Les chercheurs concluent que si l'expression normale de la Cycline G est
nécessaire à la formation de mouches parfaitement symétriques, cette
stabilisation résulte probablement d'une interaction de la Cycline G
avec beaucoup d'autres gènes qu'il reste à identifier.
Notes: (1) généticien de l'évolution et spécialiste de l'asymétrie
(2) généticienne du développement
Référence: Debat V, S. Bloyer, F. Faradji, N. Gidaszewski, N. Navarro, P.
Orozco-terWengel, V. Ribeiro, C. Schlötterer, J. S. Deutsch and F.
Peronnet. (2011) Developmental Stability: a Major Role for Cyclin G in
Drosophila melanogaster. 6 octobre 2011. PLoS Genetics.