Source: Jean Hamann - Université Laval

Notre cerveau répond non seulement au caractère déplaisant de la douleur d'autrui, mais il encode aussi les aspects sensoriels de cette douleur.

Voir quelqu'un se donner un coup de marteau sur un doigt, toucher un objet brûlant ou se cogner un orteil contre un meuble, ça fait presque mal. Notre visage se crispe, nos mâchoires se serrent et notre respiration s'interrompt, comme si la douleur d'autrui s'imprimait dans notre propre cerveau. Et d'une certaine façon, c'est ce qui se produit, suggère une étude menée par une équipe formée de chercheurs du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale et du Centre de recherche Université Laval Robert-Giffard.

Julien Voisin, Louis-Alexandre Marcoux, Dora Canizales, Catherine Mercier et Philip Jackson ont invité 20 sujets à prendre part à une expérience portant sur la douleur d'autrui. Les chercheurs ont d'abord installé sur l'index de la main droite de chaque participant un appareil produisant une vibration non douloureuse et ils ont enregistré, par électroencéphalographie, le signal que cette stimulation tactile produisait dans le cerveau. Les sujets devaient ensuite regarder, sur un écran d'ordinateur, une série de 24 images montrant soit un pied ou une main dans des situations douloureuses (une porte qui se ferme sur un doigt, un objet lourd échappé sur un pied) ou non douloureuses.

Les résultats de l'expérience, publiés dans un récent numéro du Journal of Pain, révèlent que l'observation d'images montrant des membres dans un contexte non douloureux ou de pieds dans des situations douloureuses a eu peu d'influence sur l'activité cérébrale générée par la stimulation tactile du doigt. Par contre, l'observation de mains placées dans des situations douloureuses modifie considérablement le signal généré par le stimulus tactile sur le doigt.

L'endroit du bobo

"Lorsqu'on voit la douleur chez les autres, notre cerveau répond non seulement au caractère négatif de cette douleur, mais il encode précisément les aspects sensoriels de cette douleur, par exemple l'endroit où ça fait mal, explique Philippe Jackson, professeur à l'École de psychologie. Nos résultats suggèrent donc que, pour évaluer la douleur des autres, nous nous représentons dans notre propre système ce que cette douleur évoque."

Parfois symptôme de maladie, parfois maladie elle-même, la douleur est l'un des motifs les plus courants de consultation dans le domaine de la santé. La capacité de se représenter la douleur d'autrui est donc primordiale dans la relation patient-soignant. L'exposition prolongée à la souffrance des autres peut-elle affecter la représentation cérébrale que l'on s'en fait? C'est ce que cherchent maintenant à établir le professeur Jackson et ses collègues, en étudiant le cas des professionnels de la santé. Les chercheurs veulent savoir s'il y a un mécanisme d'habituation à la douleur d'autrui et, si tel est le cas, si cela affecte leur façon de traiter la douleur. L'existence d'un tel mécanisme pourrait expliquer pourquoi la douleur est souvent un problème de santé sous-traité.