Nouvelle approche pour le traitement des maladies auto-immunes
Par Benje le dimanche, décembre 4 2011, 15:50 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Une équipe française présente une approche novatrice pour le traitement
des maladies auto-immunes. Dans le cadre de l'essai Anrs HC21 VASCU-IL2,
les Professeurs David Klatzmann et Patrice Cacoub (Hôpital
Pitié-Salpêtrière, Paris) et leurs collègues de l'AP-HP, de l'Université
Pierre et Marie Curie, du CNRS
et de l'Inserm ont traité des patients présentant une complication
auto-immune de l'hépatite C chronique avec de faibles doses
d'interleukine-2. En stimulant une population précise de lymphocytes T,
le traitement a permis d'obtenir une amélioration clinique marquée chez
la majorité des patients. Ces résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine du 30 novembre 2011 (1), ouvrent des perspectives nouvelles pour le traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires.
Parmi les quelque 300 000 personnes chroniquement infectées par le virus
de l'hépatite C (VHC) en France, 5% à 10% développent des complications
auto-immunes atteignant les vaisseaux sanguins, appelées vascularites.
Ces complications inflammatoires touchent notamment la peau, les
articulations, les nerfs et les reins, avec une symptomatologie pouvant
être sévère. Les équipes des Professeurs Patrice Cacoub et David
Klatzmann (service de Biothérapies et service de Médecine Interne
de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) ont montré il y a quelques
années que les patients atteints de vascularites induites par le VHC
présentent un déficit en lymphocytes T régulateurs (Tregs). Ces cellules
du système immunitaire ont notamment pour fonction de prévenir
l'apparition des maladies auto-immunes. Les chercheurs ont également
montré qu'une fois les patients guéris de leur hépatite C, le taux des
Tregs revient à la normale parallèlement à la guérison de la
vascularite. Cela les a conduits à évaluer une approche thérapeutique
originale visant à faire remonter le taux des Tregs chez des patients
atteints de vascularites liées à une hépatite C chronique résistante aux
traitements antiviraux. C'est l'objet de l'essai Anrs HC21 VASCU-IL2.
L'approche des chercheurs repose sur l'administration d'interleukine-2
(IL-2). Cette molécule est évaluée depuis plus de vingt ans pour le
traitement de maladies pour lesquelles un renforcement des lymphocytes T
est souhaité. Cependant, son efficacité est modeste et son usage est
aujourd'hui limité à quelques indications, comme le cancer du rein ou le
mélanome. Dans ces indications, l'IL-2 est administrée à fortes doses,
entraînant des effets indésirables importants.
L'utilisation de l'IL-2 dans les maladies auto-immunes est a priori
paradoxale. La survenue de ces maladies est en effet souvent due à
l'attaque des tissus sains par une population particulière de
lymphocytes T dits effecteurs (Teffs). A l'état normal, ces cellules ne
s'attaquent pas aux cellules saines car elles sont contrôlées par les
Tregs. La crainte des chercheurs était qu'en administrant de l'IL-2, les
deux types de lymphocytes soient stimulés, avec un risque d'aggravation
de la maladie auto-immune. C'est pourquoi les chercheurs ont choisi
d'administrer l'lL-2 à très faibles doses, espérant activer uniquement
les Tregs et non les Teffs.
L'essai réalisé a inclus 10 patients présentant des vascularites
induites par une hépatite C chronique résistante à un traitement
antiviral. Ils ont reçu quatre cures de cinq jours d'IL-2, à trois
semaines d'intervalle, à des doses 10 à 20 fois plus faibles que celles
habituellement utilisées en oncologie. Après six mois de suivi, le traitement par IL-2 à faibles doses se révèle très bien toléré, il a induit une stimulation significative des Tregs chez tous les patients, sans activation des Teffs, et il a entraîné une amélioration clinique marquée chez huit patients.
Ces résultats montrent pour la première fois chez l'homme que l'IL-2 à
faibles doses a des effets thérapeutiques dans le contexte d'une maladie
auto-immune, ouvrant la voie à ce type de traitement dans des maladies
comme le diabète, la polyarthrite rhumatoide, la sclérose en plaque, le
lupus.... Des essais de traitement par l'IL-2 du diabète de type 1 sont
déjà en cours à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Notes: Cet essai thérapeutique a été financé par l'Agence nationale de
recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), avec la
participation de l'AP-HP (hôpital Pitié-Salpêtrière), du centre
d'Investigation clinique en Biothérapies impliquant l'AP-HP,
l'Université Pierre et Marie Curie, le CNRS et l'Inserm.
Référence: (1) David Saadoun, Michelle Rosenzwajg, Florence Joly, Adrien Six,
Fabrice Carrat, Vincent Thibault, Damien Sene, Patrice Cacoub, David
Klatzmann. Efficacy of low-dose IL-2 in HCV-vasculitis. N Engl J Med
2011;365:2067-77.