Source: CNRS-INEE

Les récifs coralliens sont le théâtre de nombreuses symbioses entre des organismes appartenant à des groupes souvent très éloignés. Un exemple est constitué par l'association entre un invertébré marin, l'ascidie, et une cyanobactérie dont on pensait jusqu'à présent qu'elle était incapable de vivre de manière autonome. L'étude de son génome, réalisée par une équipe internationale dont fait partie un chercheur du CNRS, vient de prouver qu'au contraire, cette bactérie pouvait vivre sa vie et qu'elle possédait également des gènes codant pour des produits d'intérêt biotechnologiques, comme des biocarburants. Cette découverte vient d'être publiée dans les Proceedings de l'Académie des sciences américaine (PNAS).

De nombreux aquariums exposent la spectaculaire coopération entre des anémones de mer et des poissons clown. Mais on connaît moins l'association, pourtant fréquente dans les écosystèmes marins tropicaux, entre les ascidies, des invertébrés primitifs, et une bactérie photosynthétique (ou cyanobactérie) nommée Prochloron. Mise en évidence au milieu des années 1970, cette symbiose est visible à l’œil nu, car l'animal présente une insolite couleur verte due aux pigments contenus dans les cellules de Prochloron. Depuis cette découverte, plusieurs scientifiques ont essayé en vain d'isoler la bactérie en culture afin de mieux comprendre les dessous de cette association. Ces échecs répétés les ont amenés à croire que, comme dans d'autres symbioses, le génome du microorganisme enfermé dans son hôte avait perdu beaucoup de gènes essentiels, ce qui le rendait incapable de vie libre.

L'étude parue dans les PNAS remet en cause cette hypothèse. Les chercheurs ont analysé le génome de cellules de Prochloron prélevées sur des ascidies collectées dans diverses îles du Pacifique sud-ouest. En fait, ce génome code pour toutes les voies métaboliques nécessaires à un mode de vie libre. Par ailleurs, les quatre génomes analysés, bien qu'obtenus à partir de cellules de Prochloron prélevées à des milliers de kilomètres de distance, se sont avérés très similaires. Ces bactéries ont donc forcément, au cours de leur cycle vital, une phase de vie libre, inconnue jusqu'à aujourd'hui, durant laquelle les cellules peuvent être transportées sur de longues distances, ce qui explique cette similarité génétique.

L'analyse du génome de Prochloron a par ailleurs révélé la présence de nombreux gènes codant pour des produits d'intérêt biotechnologique, comme par exemple des biocarburants. En revanche, les chercheurs n'ont pas pu identifier les gènes d'autres composés potentiellement intéressants habituellement trouvés chez les ascidies, tels que les patellazoles, des composés anticancéreux très puissants. Cependant, en analysant l'ensemble de la microflore bactérienne présente dans des ascidies, ils ont découvert qu'en plus de Prochloron, il existait une grande diversité de bactéries symbiotiques, dont certaines synthétisent non seulement des patellazoles mais aussi d'autres produits d'intérêt potentiel en pharmacologie.

Référence: A complex microbiome underlying secondary and primary metabolism in the tunicate-Prochloron symbiosis, Proceedings of the National Academy of Sciences, Mohamed S. Donia, W. Florian Fricke, Frédéric Partensky, James Cox, Sherif I. Elshahawi, James R. White, Adam M. Phillippy, Michael C. Schatz, Joern Piel, Margo G. Haygood, Jacques Ravel & Eric W. Schmidt.