La bactérie symbiotique qui pouvait vivre sa vie
Par Benje le lundi, décembre 12 2011, 10:14 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS-INEE
Les récifs coralliens sont le théâtre de nombreuses symbioses entre des
organismes appartenant à des groupes souvent très éloignés. Un exemple
est constitué par l'association entre un invertébré marin, l'ascidie, et
une cyanobactérie dont on pensait jusqu'à présent qu'elle était
incapable de vivre de manière autonome. L'étude de son génome, réalisée
par une équipe internationale dont fait partie un chercheur du CNRS, vient de prouver qu'au contraire, cette bactérie
pouvait vivre sa vie et qu'elle possédait également des gènes codant
pour des produits d'intérêt biotechnologiques, comme des biocarburants.
Cette découverte vient d'être publiée dans les Proceedings de l'Académie des sciences américaine (PNAS).
De nombreux aquariums exposent la spectaculaire coopération entre des
anémones de mer et des poissons clown. Mais on connaît moins
l'association, pourtant fréquente dans les écosystèmes marins tropicaux,
entre les ascidies, des invertébrés primitifs, et une bactérie photosynthétique
(ou cyanobactérie) nommée Prochloron. Mise en évidence au milieu des
années 1970, cette symbiose est visible à l’œil nu, car l'animal
présente une insolite couleur verte due aux pigments contenus dans les
cellules de Prochloron. Depuis cette découverte, plusieurs scientifiques
ont essayé en vain d'isoler la bactérie en culture
afin de mieux comprendre les dessous de cette association. Ces échecs
répétés les ont amenés à croire que, comme dans d'autres symbioses, le
génome du microorganisme enfermé dans son hôte avait perdu beaucoup de
gènes essentiels, ce qui le rendait incapable de vie libre.
L'étude parue dans les PNAS remet en cause cette hypothèse. Les
chercheurs ont analysé le génome de cellules de Prochloron prélevées sur
des ascidies collectées dans diverses îles du Pacifique sud-ouest. En
fait, ce génome code pour toutes les voies métaboliques nécessaires à un
mode de vie libre. Par ailleurs, les quatre génomes analysés, bien
qu'obtenus à partir de cellules de Prochloron prélevées à des milliers
de kilomètres de distance, se sont avérés très similaires. Ces bactéries
ont donc forcément, au cours de leur cycle vital, une phase
de vie libre, inconnue jusqu'à aujourd'hui, durant laquelle les
cellules peuvent être transportées sur de longues distances, ce qui
explique cette similarité génétique.
L'analyse du génome de Prochloron a par ailleurs révélé la présence de
nombreux gènes codant pour des produits d'intérêt biotechnologique,
comme par exemple des biocarburants. En revanche, les chercheurs n'ont
pas pu identifier les gènes d'autres composés potentiellement
intéressants habituellement trouvés chez les ascidies, tels que les
patellazoles, des composés anticancéreux très puissants. Cependant, en
analysant l'ensemble de la microflore bactérienne présente dans des
ascidies, ils ont découvert qu'en plus de Prochloron, il existait une
grande diversité de bactéries symbiotiques, dont certaines synthétisent
non seulement des patellazoles mais aussi d'autres produits d'intérêt
potentiel en pharmacologie.
Référence: A complex microbiome underlying secondary and primary metabolism in the
tunicate-Prochloron symbiosis, Proceedings of the National Academy of
Sciences, Mohamed S. Donia, W. Florian Fricke, Frédéric Partensky, James
Cox, Sherif I. Elshahawi, James R. White, Adam M. Phillippy, Michael C.
Schatz, Joern Piel, Margo G. Haygood, Jacques Ravel & Eric W.
Schmidt.