Source: BE Italie numéro 98 (5/12/2011) - Ambassade de France en Italie / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/ ... /68412.htm

C'est dès la naissance que les bébés apprennent à marcher, tout comme les petits des rats. En fait les circuits nerveux qui contrôlent la locomotion sont identiques, mêmes si l'on parle de deux espèces distantes de plusieurs millions d'années sur le plan de l'évolution. La découverte italienne a été réalisée dans les laboratoires de la Fondation Santa Lucia et de l'université Tor Vergata de Rome.

L'étude, coordonnée par Nadia Dominici et publiée sur Science, analyse le développement du processus de locomotion humaine, en comparaison avec d'autres mammifères et oiseaux. Le mouvement, disent les chercheurs, est une question de cerveau: tout dépend des impulsions électriques que les neurones envoient aux muscles. En enregistrant ces signaux électriques, il est possible de reconstruire les circuits nerveux qui contrôlent le mouvement des bras et des jambes.

Dominici a posé des électrodes sur le corps de nouveaux nés, d'enfant en âge préscolaire, et d'adultes, dans le but d'enregistrer l'activité cérébrale générée par 24 différents muscles squelettiques. Les enfants à peine nés, ne savent pas marcher. Cependant, en les tenant debout et en les posant sur une surface plane, ils commencent à plier les jambes, comme pour réaliser des pas, illustrant le réflexe de marcher.

En analysant l'activité électrique enregistrée, les chercheurs ont montré que chez les nouveaux nés, le réflexe du mouvement est contrôlé par les neurones de la moelle épinière ; ils s'activent ainsi en deux phases: la première demande aux muscles des jambes de se plier et de s'étendre, alors que la seconde coordonne le mouvement entre la jambe gauche et la jambe droite. Au fur et à mesure que les enfants grandissent, ce processus devient plus complexe et implique d'autres types de neurones: sous médullaires, inter médullaires et sensoriels. Chez les enfants en âge préscolaire, aux deux phases néonatales, s'ajoutent deux phases supplémentaires qui servent à affiner le mouvement, comme celle qui indique au talon de se soulever avant que la jambe commence à se plier. Les quatre phases, puis celles qui s'ajoutent après lors de la croissance, permettent de perfectionner le processus de locomotion chez l'adulte.

Ces résultats montrent que le développement de la locomotion est un processus conservatif. Jusqu'à présent, on pensait que chez les adultes les circuits nerveux à la base du mouvement se formaient à partir de zéro, et étaient complètement différents de ceux actifs chez les bébés. On sait maintenant que durant la croissance rien ne se perd: le réseau du signal électrique qui va des neurones aux muscles n'est autre qu'une version modifiée du réseau néonatal.

Et ce qui est valable pour le développement est aussi valable pour l'évolution. Pour avoir un panorama plus large des mécanismes de locomotion du règne animale, les chercheurs ont analysés l'activité électrique enregistrée chez les chats, les rats, les macaques rhésus et des poules de Guinée (l'unique autre espèce de bipède étudié en plus de l'être humain). Il en est ressorti que les deux phases d'activité des circuits électriques des rats, à peine nés, sont identiques à celles des nouveaux nés humains.
Arrivé à l'âge adulte, les quatre phases d'actions commencent à se différencier, chez les rats comme chez les autres animaux. L'explication probable est que, chez l'homme la re-modulation des circuits nerveux doit faire face à un problème que les quadrupèdes et les bipèdes comme les oiseaux n'ont pas: ajuster le mouvement des bras pour déplacer des objets.

Malgré cette différence, les chercheurs sont restés très surpris par la découverte des similitudes entre les processus qui contrôlent la locomotion animale. On parle d'espèces éloignées de millions d'années, qui ont hérité la coordination de l'activité musculaire des circuits nerveux primaires d'un très vieil ancêtre commun. Et même si chaque espèce a appris à marcher avec "ses propres jambes", de manière différente et selon des considérations génétiques et morphologiques, il est vrai que nous partons tous d'une base commune: les vieux éléments ne sont pas éliminés en faveur d'un réseau totalement nouveau, mais ils s'adaptent à affronter de nouveaux problèmes plus efficacement.