Par  Sandrine Cabut

Dépression, schizophrénie, douleurs d'origine neurologique ou encore accident vasculaire cérébral. La stimulation magnétique transcrânienne (rTMS) offre une nouvelle option thérapeutique pour un nombre croissant de maladies psychiatriques et neurologiques. Quasi inconnue il y a quinze ans, cette méthode, qui permet de moduler l'activité neuronale grâce à un aimant externe, est en train d'exploser. Plusieurs indications sont déjà validées sur le plan scientifique - la rTMS est d'ailleurs agréée depuis 2008 aux Etats-Unis pour le traitement de la dépression -, et bien d'autres sont en cours d'évaluation.

Appliquée au contact du scalp, la bobine émet des impulsions magnétiques qui se transforment en impulsions électriques. Celles-ci induisent une activation ou au contraire une inhibition au niveau de la zone cérébrale visée. La rTMS est donc d'autant plus séduisante qu'elle permet d'agir sur des régions profondes du cerveau par une stimulation superficielle. Les séances, qui ne nécessitent aucune anesthésie, peuvent être effectuées en ambulatoire. Depuis les premières publications sur le sujet, en 1987, près de 7 300 articles ont été publiés dans les revues scientifiques, dont la grande majorité ces dix dernières années. Le dernier en date, paru le 14 décembre sur le site Internet de la revue Neurology, fait état de résultats prometteurs pour la rééducation après accident vasculaire cérébral (AVC).

Giacomo Koch (Fondation Sainte-Lucie, Rome) et ses collègues se sont intéressés particulièrement à la négligence spatiale unilatérale, définie comme l'incapacité à prendre en compte des informations sensorielles du côté opposé à une lésion cérébrale. Consécutif le plus souvent à un AVC du côté droit du cerveau, ce symptôme peut se traduire chez les patients par l'ignorance de la partie gauche de leur corps (par exemple, ils ne se rasent que du côté droit) et la non-perception des personnes et des objets situés à leur gauche. Les effets de la rééducation sont souvent modestes.

L'idée de proposer une stimulation magnétique transcrânienne repose sur le constat qu'un AVC perturbe l'équilibre entre les deux hémisphères cérébraux, justifie Giacomo Koch. "Une lésion d'un côté induit une hyperactivité de l'autre hémisphère", précise-t-il. Pour cet essai en double aveugle (dans lequel ni les participants ni les investigateurs ne savent quel traitement est administré), les chercheurs italiens ont inclus vingt malades atteints de négligence hémispatiale à la suite d'un AVC. La moitié d'entre eux ont bénéficié de dix séances de stimulation sur deux semaines, dans l'objectif d'inhiber l'hyperactivité du côté non lésé. Les dix autres ont eu autant de séances avec une bobine inerte (placebo). La zone cible, dans le cortex pariétal postérieur gauche, était repérée précisément avec une technique de neuronavigation, guidée par IRM. Les médecins ont utilisé un protocole de stimulation à haute fréquence, appelé theta burst, a priori plus confortable pour les patients et efficace plus longtemps.

Dès la fin des quinze jours de traitement, les chercheurs ont constaté une amélioration de 16 % aux tests objectifs dans le groupe traité, score qui a grimpé à 22 % au bout de quatre semaines, alors que l'état des patients du groupe témoin restait inchangé. Aucun effet secondaire notable n'a été signalé. "Cette étude est un pas important", estiment Heidi Schambra et Randolph Marshall (New York) dans un éditorial, en rappelant que la prise en charge des négligences spatiales est d'autant plus cruciale que ce symptôme interfère avec la rééducation des fonctions motrices et cognitives.

Selon ces spécialistes, d'autres essais sont nécessaires pour confirmer ces résultats sur un plus grand effectif, déterminer les meilleurs paramètres de stimulation et le moment idéal pour la mettre en oeuvre - probablement très précocement après l'attaque cérébrale. Dans ce même domaine, la rTMS est aussi à l'étude pour la rééducation des troubles moteurs et ceux du langage (aphasie).

En France, malgré le coût élevé des appareils (de 60 000 euros à plus de 100 000 euros si un système de neuronavigation est associé) et l'absence d'agrément par les autorités sanitaires, de plus en plus d'équipes se sont lancées dans la rTMS (www.afpb.asso.fr/index.php?id=92). Une trentaine de centres, essentiellement hospitaliers, sont désormais équipés, selon le psychiatre David Szekely (CHU de Grenoble). Les dépressions sont l'une des principales indications. "C'est une technique efficace dans les dépressions de tout-venant, en monothérapie ou en association avec des antidépresseurs", précise le docteur Szekely, qui ajoute qu'un essai est en cours dans cinq centres français dans les dépressions bipolaires.

Les premiers résultats, présentés récemment dans un congrès, sont très encourageants selon lui : sur neuf patients traités, sept ont répondu à la stimulation, dont quatre sont en rémission. Les spécialistes français ont rédigé des recommandations précisant les règles de sécurité et les indications de la rTMS qui viennent d'être publiées dans le numéro de décembre de la revue Neurophysiologie clinique et dans une monographie éditée par Solal. Schizophrénie avec hallucinations auditives, douleurs de diverses origines, acouphènes, mouvements anormaux, épilepsie... Le document recense toutes les applications potentielles et précise pour chacune le niveau de preuve concernant son efficacité.