Source: Université McGill

Selon le laboratoire de neurophysiologie cognitive de McGill, nous sommes faits pour accomplir plusieurs choses à la fois.

Imaginons un gardien de but de hockey sur glace vers qui deux joueurs de l'équipe adverse s'avancent, seuls, s'échangeant le palet en alternance. Le gardien est conscient que le juge de lignes patine à sa gauche, mais n'y porte pas attention. Il se concentre sur le palet et sur les deux joueurs qui approchent. Au fur et à mesure que se déroule l'action, comment son cerveau s'y prend-il pour gérer ces tâches multiples ? Son attention est-elle divisée grâce à de multiples "projecteurs" ? Utilise-t-il un seul projecteur pour éclairer rapidement chaque objet en alternance ? Ou bien élargit-il le faisceau du projecteur pour étudier la situation dans sa globalité ?

Ce sont les questions auxquelles essaient de répondre le Dr Julio Martinez-Trujillo, spécialiste de la neurophysiologie cognitive à l'Université McGill, et son équipe, dans le cadre d'une nouvelle étude sur l'attention multifocale. Les chercheurs ont enfin démontré qu'il est possible de consacrer son attention à plus d'une chose à la fois.

"En gérant plusieurs tâches et en se préoccupant de plusieurs objets, l'attention visuelle est traditionnellement comparée à un "zoom optique" qui couvre une zone spatiale, ou à un projecteur qui éclaire tantôt un objet, tantôt l'autre", explique le Dr Julio Martinez-Trujillo, auteur principal de l'étude. "Ces modes d'action de l'attention sont problématiques parce que lorsque le faisceau est élargi pour couvrir une zone complète, les objets d'intérêt de même que les éléments de distraction sont éclairés. Ainsi, nous gaspillons des ressources de traitement à des renseignements distrayants non pertinents. Par ailleurs, il y a une limite à la vitesse à laquelle un seul projecteur passe d'un objet à un autre et à la façon dont le cerveau peut accomplir une commutation aussi rapide. En admettant que l'attention travaille comme un projecteur unique, on peut également admettre que le cerveau a évolué pour accorder de l'attention à une seule chose à la fois et que, par conséquent, la capacité de gérer plusieurs tâches simultanées n'est pas une habileté qui s'inscrit naturellement dans notre architecture cérébrale."

Pour bien comprendre cette controverse demeurée irrésolue à ce jour, le Dr Martinez-Trujillo a adopté une approche inédite. De concert avec son équipe, il a enregistré l'activité de neurones simples dans le cerveau de deux singes, alors que ces derniers se concentraient sur deux objets qui tournaient autour d'un troisième objet distracteur. Les enregistrements neuraux ont révélé qu'il est effectivement possible de scinder son attention en deux projecteurs correspondants aux objets pertinents et exclure la source de distraction qui se trouve entre les deux.

"L'une des conclusions auxquelles nous sommes parvenus est que le cerveau a évolué pour s'intéresser à plus d'un objet en parallèle et, par conséquent, afin de gérer plusieurs tâches", a déclaré le Dr Martinez-Trujillo. "Bien qu'il y ait des limites, notre cerveau possède cette capacité."

Les chercheurs ont également découvert que la division du projecteur est beaucoup plus efficace lorsque les éléments de distraction se distinguent largement des objets auxquels on s'intéresse. Évoquant de nouveau l'analogie du hockey, le Dr Martinez-Trujilloé a expliqué que si un attaquant du Canadien de Montréal accorde de l'attention à deux joueurs des Bruins de Boston vêtus en jaune et noir, il aura plus de difficulté à ignorer les juges de lignes, qui portent également du noir, que s'il se trouve dans une situation similaire, avec comme opposants deux joueurs des Canucks de Vancouver portant des uniformes bleu et vert, qu'on peut distinguer facilement des juges de lignes habillés de noir.

Lors de prochaines expériences, les chercheurs étudieront les limites de la capacité à scinder l'attention et à gérer plusieurs tâches, en examinant de plus près comment la similarité entre des objets influence les limites de la gestion multitâche et comment ces variables peuvent être intégrées dans un modèle quantitatif.

L'étude a été publiée cette semaine dans le journal Neuron.