Nous sommes faits pour accomplir plusieurs choses à la fois
Par Benje le samedi, décembre 24 2011, 11:49 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Université McGill
Selon le laboratoire de neurophysiologie cognitive de McGill, nous sommes faits pour accomplir plusieurs choses à la fois.
Imaginons un gardien de but de hockey sur glace vers qui deux joueurs de
l'équipe adverse s'avancent, seuls, s'échangeant le palet en
alternance. Le gardien est conscient que le juge de lignes patine à sa
gauche, mais n'y porte pas attention. Il se concentre sur le palet et
sur les deux joueurs qui approchent. Au fur et à mesure que se déroule
l'action, comment son cerveau s'y prend-il pour gérer ces tâches
multiples ? Son attention est-elle divisée grâce à de multiples
"projecteurs" ? Utilise-t-il un seul projecteur pour éclairer rapidement chaque objet en alternance ? Ou bien élargit-il le faisceau du projecteur pour étudier la situation dans sa globalité ?
Ce sont les questions auxquelles essaient de répondre le Dr Julio
Martinez-Trujillo, spécialiste de la neurophysiologie cognitive à
l'Université McGill, et son équipe, dans le cadre d'une nouvelle étude
sur l'attention multifocale. Les chercheurs ont enfin démontré qu'il est
possible de consacrer son attention à plus d'une chose à la fois.
"En gérant plusieurs tâches et en se préoccupant de plusieurs objets,
l'attention visuelle est traditionnellement comparée à un "zoom optique"
qui couvre une zone spatiale, ou à un projecteur qui éclaire tantôt un
objet, tantôt l'autre", explique le Dr Julio Martinez-Trujillo, auteur
principal de l'étude. "Ces modes d'action de l'attention sont
problématiques parce que lorsque le faisceau est élargi pour couvrir une
zone complète, les objets d'intérêt de même que les éléments de
distraction sont éclairés. Ainsi, nous gaspillons des ressources de
traitement à des renseignements distrayants non pertinents. Par
ailleurs, il y a une limite à la vitesse
à laquelle un seul projecteur passe d'un objet à un autre et à la façon
dont le cerveau peut accomplir une commutation aussi rapide. En
admettant que l'attention travaille comme un projecteur unique, on peut
également admettre que le cerveau a évolué pour accorder de l'attention à
une seule chose à la fois et que, par conséquent, la capacité de gérer
plusieurs tâches simultanées n'est pas une habileté qui s'inscrit
naturellement dans notre architecture cérébrale."
Pour bien comprendre cette controverse demeurée irrésolue à ce jour, le
Dr Martinez-Trujillo a adopté une approche inédite. De concert avec son
équipe, il a enregistré l'activité de neurones simples dans le cerveau
de deux singes, alors que ces derniers se concentraient sur deux objets
qui tournaient autour d'un troisième objet distracteur. Les
enregistrements neuraux ont révélé qu'il est effectivement possible de
scinder son attention en deux projecteurs correspondants aux objets
pertinents et exclure la source de distraction qui se trouve entre les
deux.
"L'une des conclusions auxquelles nous sommes parvenus est que le
cerveau a évolué pour s'intéresser à plus d'un objet en parallèle et,
par conséquent, afin de gérer plusieurs tâches", a déclaré le Dr
Martinez-Trujillo. "Bien qu'il y ait des limites, notre cerveau possède
cette capacité."
Les chercheurs ont également découvert que la division du projecteur est
beaucoup plus efficace lorsque les éléments de distraction se
distinguent largement des objets auxquels on s'intéresse. Évoquant de
nouveau l'analogie du hockey, le Dr Martinez-Trujilloé a expliqué que si
un attaquant du Canadien de Montréal accorde de l'attention à deux joueurs des Bruins de Boston vêtus en jaune
et noir, il aura plus de difficulté à ignorer les juges de lignes, qui
portent également du noir, que s'il se trouve dans une situation
similaire, avec comme opposants deux joueurs des Canucks de Vancouver
portant des uniformes bleu et vert, qu'on peut distinguer facilement des juges de lignes habillés de noir.
Lors de prochaines expériences, les chercheurs étudieront les limites de
la capacité à scinder l'attention et à gérer plusieurs tâches, en
examinant de plus près comment la similarité entre des objets influence
les limites de la gestion multitâche et comment ces variables peuvent
être intégrées dans un modèle quantitatif.
L'étude a été publiée cette semaine dans le journal Neuron.