Source: CNRS-INEE

Dans une étude à paraître dans Molecular Phylogenetics and Evolution, une équipe franco-argentine menée par un chercheur de l'Institut des sciences de l'évolution-Montpellier - ISEM (CNRS/Université de Montpellier 2) résout l'énigme de l'origine des deux espèces de tatous nains. L'analyse phylogénétique de ces petits animaux sud-américains a montré que les deux espèces avaient un ancêtre commun et s'étaient séparées il y a environ 17 millions d'années.

En raison de leur mode de vie nocturne et souterrain, les tatous nains, animaux d'Amérique du Sud, sont très rarement observés et l'on ne sait pratiquement rien de leur écologie ni de leur histoire évolutive. Deux espèces sont connues, Chlamyphorus truncatus, que l'on trouve dans le centre de l'Argentine, et Calyptophractus retusus, dont l'aire de peuplement recouvre l'extrême nord de l'Argentine et une partie de la Bolivie et du Paraguay. Même s'ils diffèrent notamment par la structure de leur carapace et la forme de leur queue, les individus de ces deux espèces possèdent des yeux réduits et des pattes avant pourvues de grosses griffes leur servant à creuser le sol. Ces différences et ces similarités ont alimenté depuis des décennies le débat sur les relations entre les deux espèces et leur classification ou non en deux genres distincts, Chlamyphorus et Calyptophractus. Ces deux espèces ont-elles divergé à partir d'un ancêtre commun ou, n'ayant pas grand chose à voir au départ, ont-elles évolué de manière identique parce qu'occupant la même niche écologique souterraine ?

Les résultats des analyses de phylogénie moléculaire publiés prochainement résolvent cette énigme zoologique en révélant que les deux espèces actuelles de tatous nains partagent un ancêtre commun direct et représentent une lignée évolutive majeure (les Chlamyphorinae) parmi les tatous, alors qu'on les pensait appartenir à la sous-famille des Euphractinae. Ces résultats impliquent que le mode de vie strictement fouisseur commun à ces deux espèces est vraisemblablement apparu une seule fois, chez l'ancêtre des tatous nains, probablement en réponse à l'aridification de l'Amérique du Sud survenue entre 17 et 32 millions d'années. La séparation des deux espèces, il y a environ 17 millions d'années, a sans doute été le résultat de la division de leur aire de répartition ancestrale par des incursions marines ayant eu lieu à cette époque le long de ce qui est aujourd'hui le fleuve Parana. Cette divergence ancienne soutient la classification des deux espèces dans deux genres distincts. En conclusion de leur étude, les chercheurs soulignent que le caractère distinctif de ces animaux uniques, combiné à leur rareté dans la nature, plaide pour l'établissement de mesures de conservation urgentes afin de protéger les deux espèces.

Référence: Molecular phylogenetics unveils the ancient evolutionary origins of the enigmatic fairy armadillos, à paraître dans Molecular Phylogenetics and Evolution, Frédéric Delsuc, Mariella Superina, Marie-Ka Tilak, Emmanuel J.P. Douzery & Alexandre Hassanin.