Le mystère des origines des tatous nains est enfin résolu
Par Benje le jeudi, décembre 29 2011, 22:51 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS-INEE
Dans une étude à paraître dans Molecular Phylogenetics and Evolution, une équipe franco-argentine menée par un chercheur
de l'Institut des sciences de l'évolution-Montpellier - ISEM
(CNRS/Université de Montpellier 2) résout l'énigme de l'origine des deux
espèces de tatous nains. L'analyse phylogénétique de ces petits animaux
sud-américains a montré que les deux espèces avaient un ancêtre commun
et s'étaient séparées il y a environ 17 millions d'années.
En raison de leur mode de vie nocturne et souterrain, les tatous nains,
animaux d'Amérique du Sud, sont très rarement observés et l'on ne sait
pratiquement rien de leur écologie ni de leur histoire évolutive. Deux
espèces sont connues, Chlamyphorus truncatus, que l'on trouve dans le centre de l'Argentine, et Calyptophractus retusus, dont l'aire de peuplement recouvre l'extrême nord
de l'Argentine et une partie de la Bolivie et du Paraguay. Même s'ils
diffèrent notamment par la structure de leur carapace et la forme de
leur queue, les individus de ces deux espèces possèdent des yeux réduits
et des pattes avant pourvues de grosses griffes leur servant à creuser
le sol. Ces différences et ces similarités ont alimenté depuis des
décennies le débat
sur les relations entre les deux espèces et leur classification ou non
en deux genres distincts, Chlamyphorus et Calyptophractus. Ces deux
espèces ont-elles divergé à partir d'un ancêtre commun ou, n'ayant pas
grand chose à voir au départ, ont-elles évolué de manière identique
parce qu'occupant la même niche écologique souterraine ?
Les résultats des analyses de phylogénie moléculaire publiés
prochainement résolvent cette énigme zoologique en révélant que les deux
espèces actuelles de tatous nains partagent un ancêtre commun direct et
représentent une lignée évolutive majeure (les Chlamyphorinae) parmi
les tatous, alors qu'on les pensait appartenir à la sous-famille des
Euphractinae. Ces résultats impliquent que le mode de vie strictement
fouisseur commun à ces deux espèces est vraisemblablement apparu une
seule fois, chez l'ancêtre des tatous nains, probablement en réponse à
l'aridification de l'Amérique du Sud survenue entre 17 et 32 millions
d'années. La séparation des deux espèces, il y a environ 17 millions
d'années, a sans doute été le résultat de la division
de leur aire de répartition ancestrale par des incursions marines ayant
eu lieu à cette époque le long de ce qui est aujourd'hui le fleuve
Parana. Cette divergence ancienne soutient la classification des deux
espèces dans deux genres distincts. En conclusion de leur étude, les
chercheurs soulignent que le caractère distinctif de ces animaux
uniques, combiné à leur rareté dans la nature, plaide pour
l'établissement de mesures de conservation urgentes afin de protéger les
deux espèces.
Référence: Molecular phylogenetics unveils the ancient evolutionary origins of the
enigmatic fairy armadillos, à paraître dans Molecular Phylogenetics and
Evolution, Frédéric Delsuc, Mariella Superina, Marie-Ka Tilak, Emmanuel
J.P. Douzery & Alexandre Hassanin.