La recette du succès, ils l'ont calculée! Une équipe de recherche de l'Université de Bristol a mis au point une équation permettant d'établir le potentiel de réussite d'une chanson. 

Petit exercice d'algèbre: déterminez le montant de "S" dans l'équation "S = (p1Xc1) + (p2Xc2) +...+ (p23xc23)". Une équipe de scientifiques de l'Université de Bristol, en Angleterre, s'est creusée la tête pour mettre au point cette équation bien particulière, révèle le site NME. Dirigé par le Dr. Tijl de Bie, le groupe de recherche aurait trouvé la recette, non pas d'une nouvelle formule de chimie, mais... du succès musical. Enfin, à peu de choses près. 

Leur équation, appliquée à une chanson, permet selon eux de déterminer son potentiel à devenir un tube ou, au contraire, à faire un flop. Plus précisement, sa capacité à atteindre les cinq premières places ou au contraire à ne pouvoir franchir la 30e place du Top 40 au Royaume-Uni. Et ce avec une exactitude d'environ 60%. 

Un peu de méthodologie

Pour ce faire, les scientifiques ont passé au crible les singles qui ont accédé à ce Top 40 depuis les 50 dernières années. Ils ont déterminé 23 caractéristiques communes, du rythme à la longueur d'une chanson, en passant par son intensité sonore ou encore sa "dansabilité" -sa capacité à faire danser. C'est ensuite par ordinateur que les chercheurs mesurent l'importance de chacune de ces caractéristiques sonores. Une fois additionnés, ils révèlent le potentiel de réussite de la chanson en question. D'où l'équation: le score d'une chanson -"S"- est égal au poids -"p"- d'une première caractéristique -"c"- ajouté à celui d'une deuxième, d'une troisième, etc. La musique, c'est mathématique. 

La musique des 80's, plus créative et moins prévisible

Toutefois, l'équation doit être adaptée aux tendances musicales: "Les goûts musicaux évoluent, donc notre équation du potentiel de réussite doit évoluer aussi" explique le Dr. Tijl de Bie, estimant que "cela peut être dû au changement du style de musique dominant, à un changement culturel et du contexte". Aussi, avant les années 1980, la capacité à danser sur une chanson importait peu dans la recette de son succès, selon l'étude. Depuis, c'est devenu un facteur principal: plus cette caractéristique est importante dans une chanson, plus celle-ci à de chances de devenir un tube. Durant les années 1980 en revanche, les musiques douces -au tempo de 70 à 89 beats par minute- telles que les ballades étaient davantage prédestinées à franchir les Tops 5. 

L'étude des chercheurs a également relevé une certaine tendance sonore: au fil du temps, les chansons qui atteignent les charts deviennent de plus en plus bruyantes. Aujourd'hui, plus une chanson fait de bruit, plus il est possible qu'elle ait du succès. Autre trouvaille intéressante: alors que l'équation a été très performante sur les chansons des années 1990-1995 et sur celles post-années 2000, le potentiel de réussite est beaucoup moins prévisible aux alentours des années 1980. Ce qui signifierait, selon les scientifiques, que la fin des années 1970 et le début des années 1980 étaient des périodes particulièrement créatives et novatrices en ce qui concerne la pop music. Les tubes actuels seraient-ils trop prévisibles? 

La règle et ses exceptions

Afin d'illustrer leur étude, les scientifiques ont établi la liste des tubes "attendus", mais aussi des "surprises" -par le passé. Soit les chansons qui ont atteint le Top 5 comme prévu, celles qui ont eu du succès alors qu'elles n'y étaient pas prédisposées, et celles qui étaient destinées à réussir mais qui n'ont finalement pas décollé. 

Crazy de Gnarls Barkley (n°1 des charts en 2006) fait par exemple partie des "tubes attendus" notamment grâce à ses niveaux de "dansabilité" et d'intensité sonore, facteurs importants dans les années 2000. Le single Suspicious Minds d'Elvis Presley (n°2 en 1970) était un "tube attendu" mais en raison de sa simplicité harmonique, critère plus important à l'époque.  

Parmi les "tubes inattendus", les scientifiques ont répertorié, entre autres, le titre Empire State of Mind (Part II) d'Alicia Keys. Plutôt calme, la chanson ne comporte pas les critères établis pour devenir un tube à cette époque. Pourtant, elle est arrivée à la quatrième place des charts en 2010. Sûrement grâce au succès de la version originale avec Jay-Z, selon les scientifiques. 

Enfin, dans la catégorie des "succès manqués" on retrouve par exemple Blowin' in the Wind de Stevie Wonder. Selon les calculs, la chanson aurait dû faire une belle performance, grâce à sa simplicité harmonique et son tempo relativement lent, mais elle n'est arrivée qu'à la 36e place du Top 40 en 1966. Comme raison possible de ce "flop", les chercheurs évoquent le fait qu'il s'agisse d'une simple reprise du tube de Bob Dylan, sorti tout juste trois ans plus tôt. 

Calculer le futur potentiel d'un single?

Malgré ces exceptions, l'équipe compte mettre son équation à l'épreuve de la musique actuelle. Chaque semaine sont analysés de nouveaux singles: leur potentiel est alors indiqué, sur le site internet de l'étude, par un code couleurs -du bleu pour le "flop" au rouge pour le "hit". Aussi, cette semaine du 19 décembre 2011 s'avère peu excitante d'un point de vue musical car des cinq singles sélectionnés, aucun ne serait voué à devenir un tube. Il n'y a plus qu'à attendre de voir si les chercheurs ont visé juste sur Reaching Out de Nero...