Audrey Chauvet

ENERGIE - Le plus grand système de production d'énergie solaire stockée sous forme d'hydrogène en France est inauguré lundi, près d'Ajaccio...

Le soleil de Corse va enfin se transformer en énergie. Grâce au projet Myrte, mené par l’université de Corse, l’entreprise Hélion et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), une centrale photovoltaïque va permettre de capter l’énergie solaire, qui sera stockée sous forme d’hydrogène pour la réinjecter au bon moment dans le réseau électrique. Ce système, qui devrait permettre d’alimenter 200 foyers en électricité, est inauguré ce lundi sur le site de Vignola, près d’Ajaccio.

Une première mondiale

3.000m² de panneaux solaires ont été installés sur le site, qui permettront de produire 560Kw d’électricité. Pour répondre au problème d’intermittence de la production d’énergie, dépendante de l’ensoleillement, et lisser les pointes de consommation, celle-ci sera stockée sous forme d’hydrogène. Une méthode qui existe déjà mais «avec cette puissance, c’est une première mondiale», se félicite Philippe Poggi, à la tête du projet à l’université de Corse.

«L’idée de base  était de trouver un moyen de dépasser la limite des 30% d’énergies renouvelables dans les réseaux électriques grâce au stockage, explique Philippe Poggi. Pour cela, il fallait un vecteur: l’hydrogène.» Le système consiste à injecter l’énergie produite par les panneaux solaires dans un électrolyseur, alimenté en eau, qui sépare l’hydrogène de l’oxygène des molécules. L’hydrogène est ensuite stocké avant d’être envoyé vers une pile à combustible, d’une puissance de 100kW, lorsque le réseau sera demandeur d’électricité supplémentaire. Une seconde pile, de la même puissance, devrait venir doubler la puissance de Myrte d’ici un an.

Le rendement, point névralgique du système

Pour que le système soit efficace, il faut assurer que les pertes d’électricité entre les panneaux et la sortie de la pile à combustible ne soient pas trop importantes. «Nous avons un rendement global de 40% en électricité, chiffre Philippe Poggi. Mais la pile et l’électrolyseur dégagent de la chaleur, qui nous permet de mettre en place un système de co-génération sur le site. Au final, on atteint un rendement global de 70%.» Les bâtiments voisins devront être équipés en pompes à chaleur ou autres dispositifs pour bénéficier du chauffage généré par le système. «On ne peut pas améliorer le rendement à cause des deux transformations successives de l’énergie, explique Jérôme Gosset, président d’Hélion, la filiale d’Areva qui a fourni le système électrolyse-pile à combustible. On peut plutôt espérer un gain sur le coût de nos systèmes, la fiabilité et la souplesse de la technologie.»

Pour baisser les coûts, il faut notamment utiliser moins de platine, ce métal rare et cher qui pourrait être un obstacle au développement à grande échelle des piles à combustible. «Nous n’envisageons pas de le remplacer car c’est le meilleur catalyseur, mais nous travaillons à en utiliser moins et mieux», assure Jérôme Gosset. Quant au risque d’explosion de l’hydrogène stocké, Philippe Poggi relativise: «L’hydrogène peut exploser comme n’importe quel gaz! Mais nous sommes soumis aux règles des ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) et aucun processus industriel n’est exempt de danger…»

Des tortues et un moratoire ont ralenti le projet

Pour Hélion, Myrte est «un test grandeur réelle» qui pourrait leur permettre de commercialiser rapidement le système. Du côté de l’université de Corse, ce projet a permis de tester les dernières avancées scientifiques sur la technologie hydrogène, mais aussi les difficultés administratives liées à ce genre de projet qui ont considérablement ralenti sa réalisation. Présenté fin février 2007 à la collectivité territoriale de Corse, Myrte devait voir le jour dans les deux ans avec une puissance de 3,5MW et un budget de 32 millions d’euros. A l’arrivée, avec près de deux ans de retard, l’installation a été revue à la baisse avec une surface de panneaux dix fois plus petite que prévu et un budget de 21 millions sur cinq ans, financé à 50% par l’Etat, le fonds Feder (Fonds européen de développement régional) et la collectivité territoriale de Corse.

«Nous ne pouvions pas installer trois hectares de panneaux pour des raisons de place, explique Philippe Poggi. Depuis le début, nous voulons montrer que le projet est exemplaire à tous points de vue et nous nous sommes posé beaucoup de questions d’acceptabilité pour les voisins du site.» Y compris les voisins à quatre pattes: l’existence de trois espèces protégées de tortues sur le site a encore retardé le projet. «Il a fallu d’abord demander un permis de construire, réaliser une étude d’impact et une enquête publique, explique Philippe Poggi. Cela nous a fait perdre neuf mois et lorsque nous avons pu présenter la demande de raccordement, le moratoire sur le photovoltaïque venait juste d’être prononcé. Mais on a eu finalement eu l’autorisation et maintenant on renégocie les tarifs d’achat par EDF. Toutes les recettes issues de la vente d’électricité iront à l’Université de Corse pour la recherche et développement sur ce projet».