L'étonnante stratégie de thermorégulation du moustique
Par Benje le mercredi, janvier 18 2012, 11:25 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Pour éviter un fort choc thermique au moment où il ingère le sang de sa victime, le moustique Anophèle excrète par l'anus une goutte d'urine mêlée à une goutte de ce sang qu'il rejette afin de refroidir son abdomen et protéger ainsi son intégrité physiologique. Cette étonnante stratégie thermorégulatrice vient d'être observée par Claudio Lazzari et Chloé Lahondère, chercheurs à l'Institut de recherche sur la biologie de l'insecte (IRBI) (CNRS/Université François Rabelais de Tours). Ces résultats, publiés le 10 janvier 2012 dans la revue Current Biology, constituent une nouvelle piste de recherche dans le contrôle de la transmission de certaines maladies comme le paludisme transmises par ces moustiques suceurs de sang.
Les insectes dont les moustiques sont des animaux dits "ectothermes",
c'est-à-dire que leur température corporelle dépend de la température
ambiante. Des températures trop froides, trop chaudes ou des variations
rapides et importantes peuvent avoir des conséquences néfastes pour leur
physiologie. Les moustiques qui se nourrissent du sang des mammifères
ou de celui des oiseaux sont soumis à chaque fois qu'ils s'alimentent à
un fort stress thermique, dû à l'entrée rapide dans leur corps d'une grande quantité de fluide
plus chaud que le leur. Des travaux ont récemment démontré qu'à chaque
repas sanguin il se produisait une synthèse rapide de protéines de choc thermique destinées à protéger l'intégrité cellulaire des moustiques.
Dans cette étude, grâce à une caméra de thermographie infrarouge, Claudio Lazzari et Chloé Lahondère ont analysé en temps
réel, les changements de température des moustiques Anopheles, vecteurs
de la malaria, lorsqu'ils se nourrissent. Résultat: lorsque la
température corporelle des moustiques commence à augmenter à cause de
l'ingestion de sang chaud, ceux-ci mettent en place une étonnante stratégie
de thermorégulation pour la réduire. Pendant que les moustiques
prennent leur repas, ils émettent très rapidement par l'anus une
gouttelette de fluide composée d'urine et du sang que l'insecte est en
train d'ingérer et la retiennent. En contact avec l'air, elle va
s'évaporer et refroidir, ce qui va permettre également à l'abdomen du
moustique de baisser en température. Ce mécanisme, appelé "evaporative
cooling", est favorisé par la posture typique de ces moustiques qui se
posent sur l'hôte tout en maintenant relevée l'extrémité postérieure de
leur corps. L'apparent "gaspillage" du sang éliminé dans la goutte prend
alors tout son sens, car il permet d'augmenter son volume et par conséquent la surface d'évaporation de la gouttelette.
Cette capacité d'éviter le réchauffement corporel permet aux moustiques
de protéger non seulement leur intégrité physiologique, mais aussi celle
de la flore symbiotique qu'ils abritent et, éventuellement celle des
parasites qu'ils transmettent. Si l'élimination rapide d'urine pendant
un repas sanguin était empêchée, non seulement le bilan hydrique du
moustique serait perturbé, mais aussi sa capacité à limiter les
variations de sa température corporelle. Les recherches à venir diront
si ce type de perturbation physiologique est exploitable dans un but de contrôle de la transmission du Plasmodium, le parasite incriminé dans la transmission du paludisme.
Référence: 2012 Lahondère, C. & Lazzari, C.R. Mosquitoes cool down during
blood-feeding to avoid overheating. Current Biology 22(1) 40-45,
doi:10.1016/j.cub.2011.11.029.