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Très bien étudiés dans les pays anglophones, ces troubles de la personnalité restent assez mal connus et gérés en France.

Le trouble de la personnalité borderline est "en vogue", notamment aux États-Unis, où des livres, des articles et des sites internet lui sont consacrés. Présenté là-bas comme un problème psychologique, médical et social d'une ampleur considérable, il ne "bénéficie" pas de la même considération dans notre pays. Ce mot anglais y est certes souvent utilisé, y compris dans certaines chansons populaires, mais pas toujours à bon escient. D'où l'intérêt du livre* que le professeur Bernard Granger (responsable de l'unité de psychiatrie de l'hôpital Tarnier à Paris) et Daria Karaklic (attachée à l'institut de psychothérapie de l'université Paris-Descartes) viennent de lui consacrer.

"D'après notre expérience, la représentation qu'en ont aussi bien les patients et leurs proches que les professionnels de santé est souvent floue, voire fausse", écrivent en introduction les deux spécialistes, qui regrettent le manque de sensibilisation à cette pathologie des médecins et des psychologues français. "Assez souvent, ils ne perçoivent pas qu'une personnalité borderline peut se cacher derrière des plaintes dépressives ou anxieuses." Les conséquences sont évidentes : le véritable diagnostic de la maladie n'est pas correctement établi d'emblée et les prises en charge proposées ne sont pas adéquates.

Les auteurs se montrent pourtant indulgents vis-à-vis de leurs confrères. Ils expliquent qu'il s'agit d'un problème relativement "jeune", dont la description est bien plus récente que celle des autres pathologies mentales comme la schizophrénie ou la maladie maniaco-dépressive. Le terme borderline a été introduit en 1980 dans la classification américaine des troubles mentaux, le DSM. Mais grâce à la recherche, les scientifiques ont de mieux en mieux compris sa nature au cours des trente dernières années. Et de nouvelles psychothérapies ont été élaborées spécialement, aux États-Unis.

"Une souffrance banalisée ou condamnée"

Le professeur Bernard Granger et Daria Karaklic regrettent que la souffrance des personnes touchées par ce trouble soit souvent mal comprise en France. "Elle est banalisée ou condamnée, voire punie par l'entourage, dans la mesure où ces symptômes sont considérés comme les signes d'un mauvais caractère ou d'un manque de volonté d'agir et de réagir." En effet, les proches sont souvent persuadés qu'il suffit de décider de ne plus être hypersensible ou de ne plus faire de colères pour que tout aille mieux. Or, ces troubles psychiques échappent, du moins en partie, à un contrôle volontaire et conscient de la personne atteinte.

Fort heureusement, les spécialistes affirment que l'évolution favorable de ces symptômes est non seulement possible, mais très probable, à condition que les patients s'engagent dans une démarche thérapeutique adéquate, "qui consiste principalement à suivre une psychothérapie adaptée pendant environ deux ans". Moyennant un investissement réel accompagné de patience (à laquelle il faut évidemment ajouter celle de l'entourage !) et de persévérance, ce trouble a de grandes chances d'être surmonté. "Les résultats ne manqueront pas", écrivent d'ailleurs les auteurs, mais sans jamais parler de guérison...