Source: CNRS

Bien que solides, les roches du manteau terrestre se déforment très lentement. L'équipe du professeur Patrick Cordier au sein de l'Unité matériaux et transformations de l'Université Lille vient de mettre au point un nouveau modèle permettant, sur des échelles de temps de plusieurs millions d'années, de faire le lien entre la déformation de ces roches et la convection du manteau, véritable moteur de la tectonique des plaques.

Jusqu'à présent, aucune méthode expérimentale en laboratoire n'avait permis d'atteindre les conditions réelles de déformation des roches du manteau. En appliquant ce modèle à l'oxyde de magnésium, solide présent dans le manteau terrestre, les scientifiques ont pu montrer comment les défauts à l'échelle atomique de ce minéral pouvaient être transmis à plus grand échelle et sur de longues périodes de temps. Publiés dans la revue Nature du 12 janvier 2012, ces résultats remettent en cause certaines approches expérimentales à hautes pressions et températures. Ils montrent que seule une couche de faible épaisseur à la base du manteau peut être considérée comme un fluide visqueux, ailleurs le manteau se comporte comme un solide plastique.

Le comportement du manteau terrestre est chaotique à l'échelle des temps géologiques. Mais il apparaît bien statique, voire immobile, à l'échelle de temps de la vie humaine (les vitesses dans le manteau sont comparables à la vitesse de croissance des ongles...).

Pour mieux comprendre comment les déformations subies par les roches et les minéraux dans les profondeurs de la Terre ont un impact sur la convection du manteau, une approche numérique novatrice a été mise en place par l'équipe de Patrick Cordier au sein de l'Unité matériaux et transformations (Université Lille 1/CNRS). En intégrant des concepts théoriques de physique des solides et des mécanismes de déformation des matériaux, les scientifiques ont ainsi traversé les échelles de temps et ont pu décrire le comportement des minéraux dans des conditions inaccessibles expérimentalement.

Les chercheurs ont simulé la déformation de l'oxyde de magnésium (MgO), solide présent naturellement dans le manteau inférieur, à des conditions de pression et de température identiques à celles du manteau (de l'ordre d'un million de fois la pression atmosphérique et d'une température de quelques milliers de degrés). Les chercheurs ont ainsi pu observer la présence de défauts à l'échelle atomique appelés dislocations. Or, pour Patrick Cordier et ses collègues, ces dislocations sont principalement responsables de la déformation plastique du manteau, véritable moteur de la machine thermique terrestre (tectonique des plaques, volcans, séismes,...).

Du point de vue de la géophysique, ces résultats bousculent les concepts habituels du domaine. Pour modéliser la convection mantellique (mécanisme d'évacuation de la chaleur interne), on considère habituellement que le manteau terrestre se comporte sur de longues échelles de temps comme un fluide visqueux. Dans cette étude, les scientifiques montrent que seule une couche de faible épaisseur à la base du manteau suit effectivement ce type de comportement. Ailleurs dans le manteau, le concept de viscosité ne peut être défini et se comporte comme un solide plastique.

Avec tous ces nouveaux éléments scientifiques, un nouveau champ de recherche s'ouvre dans les domaines de géophysique reliant la notion de dislocation des solides à l'échelle atomique et les écoulements à l'échelle du manteau.