Source: Daniel Baril - Université de Montréal

Les maladies polygéniques, dues à des mutations dans plusieurs gènes, sont un véritable casse-tête pour les chercheurs qui traquent les facteurs génétiques des maladies. Elles sont non seulement beaucoup plus fréquentes que les maladies monogéniques, mais certaines peuvent concerner des douzaines de gènes. Considérant que l'être humain possède autour de 25 000 gènes et que des variations peuvent exister sur l'une ou l'autre des trois milliards de bases qui composent l'ADN, rechercher des facteurs en cause, c'est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

"Le code génétique d'un être humain est identique à près de 99,8 % à celui de tout autre être humain, souligne Guillaume Lettre, professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et chercheur à l'Institut de cardiologie de Montréal. Il suffit d'une minime variation toutes les 500 bases pour faire la différence."

Ces variations ne sont évidemment pas toutes des facteurs de maladies, mais c'est à travers elles que se cachent les assemblages chimiques qui prédisposent aux maladies génétiques.

La taille comme modèle

Guillaume Lettre poursuit des travaux sur le déterminisme génétique de la taille afin d'en tirer un modèle permettant de mieux comprendre les interactions biologiques à la source des maladies polygéniques. "Pour comprendre ces maladies, il nous faut un phénotype qui soit à la fois facilement délimitable et à fort déterminisme génétique; la taille est un trait qui répond à ces critères", précise-t-il.

Des études d'héritabilité ont en effet montré que la génétique est responsable de 80 % de la variation de la taille au sein d'une population, le reste étant dû à des facteurs environnementaux telle la nutrition. Par comparaison, la part de la génétique dans l'indice de masse corporelle ne compte que pour 35 % de la variation au sein d'une population.
Afin de repérer les gènes concernés dans le déterminisme de la taille, le professeur a codirigé une équipe internationale de près de 300 chercheurs qui a analysé le code génétique de quelque 183 000 individus d'origine caucasienne. Cette étude, publiée en octobre 2010 dans la revue Nature, a permis de découvrir 180 variations génétiques ayant un effet sur la taille d'une personne.

"Chacune de ces variations a un effet minime de l'ordre de deux à trois millimètres, ce qui est plus faible que l'effet de la gravité au cours d'une journée, explique le chercheur. Les 180 sites repérés n'expliquent que 10 % de la variation génétique de la taille, ce qui est loin des 80 % estimés. La taille est donc un phénotype simple, mais dont la génétique est très complexe."

Même s'il y a encore loin de la coupe aux lèvres, cette étude a permis de faire un pas important dans la connaissance des facteurs génétiques qui font que nous sommes tous de taille plus ou moins différente. De plus, comme les 180 variations observées ne sont pas réparties au hasard dans le génome mais plutôt dans des gènes qui remplissent des fonctions semblables, ces résultats ont également permis d'établir la valeur scientifique des études d'associations pangénomiques, soutient Guillaume Lettre.

Confirmation africaine

Il restait à savoir si les facteurs génétiques mis au jour chez les Caucasiens étaient aussi présents chez les populations africaines ou de descendance africaine, et si ces facteurs jouaient le même rôle dans les deux ensembles de populations.

C'est ce à quoi l'équipe de Guillaume Lettre s'est attaquée dans une seconde étude réunissant 78 chercheurs de 54 centres de recherche des États-Unis et du Québec. Cette fois, la méta-analyse a combiné les données tirées de neuf études portant sur le génome de plus de 20 400 Africains et Afro-Américains.

"Cette étude nous a permis de confirmer la première, ce qui signifie que la plupart des variants génétiques déterminant la taille chez les populations caucasiennes se trouvent également dans les populations d'origine africaine", affirme le chercheur.

Outre cette confirmation, deux régions supplémentaires, influant sur la variation de la taille et absentes chez les Européens, ont été découvertes chez les Africains. Ces polymorphismes génétiques ne signifient toutefois pas qu'il y ait plus de variabilité dans les tailles entre les Africains qu'entre les Caucasiens.

"Il peut donc être utile de mener des études en génétique des maladies complexes sur d'autres populations que celles d'origine européenne. Toutes ces données nous permettront de mieux comprendre d'autres maladies génétiques encore plus complexes, notamment les maladies cardiovasculaires d'origine polygénique", espère-t-il.

Cette seconde étude a été publiée dans le numéro d'octobre 2011 de la revue PLoS Genetics. Le premier auteur de l'article, Amidou N'Diaye, est chercheur postdoctoral au laboratoire de Guillaume Lettre à l'Institut de cardiologie de Montréal.