La taille: un phénotype simple pour une génétique complexe
Par Benje le jeudi, janvier 26 2012, 22:30 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Daniel Baril - Université de Montréal
Les maladies polygéniques, dues à des mutations dans plusieurs gènes,
sont un véritable casse-tête pour les chercheurs qui traquent les
facteurs génétiques des maladies. Elles sont non seulement beaucoup plus
fréquentes que les maladies monogéniques, mais certaines peuvent
concerner des douzaines de gènes. Considérant que l'être humain possède
autour de 25 000 gènes et que des variations peuvent exister sur l'une
ou l'autre des trois milliards de bases qui composent l'ADN, rechercher
des facteurs en cause, c'est un peu comme chercher une aiguille dans une
botte de foin.
"Le code génétique d'un être humain est identique à près de 99,8 % à celui de tout autre être humain, souligne Guillaume Lettre, professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et chercheur à l'Institut de cardiologie de Montréal. Il suffit d'une minime variation toutes les 500 bases pour faire la différence."
Ces variations ne sont évidemment pas toutes des facteurs de maladies,
mais c'est à travers elles que se cachent les assemblages chimiques qui
prédisposent aux maladies génétiques.
La taille comme modèle
Guillaume Lettre poursuit des travaux sur
le déterminisme génétique de la taille afin d'en tirer un modèle
permettant de mieux comprendre les interactions biologiques à la source
des maladies polygéniques. "Pour comprendre ces maladies, il nous faut
un phénotype qui soit à la fois facilement délimitable et à fort
déterminisme génétique; la taille est un trait qui répond à ces
critères", précise-t-il.
Afin de repérer les gènes concernés dans le déterminisme de la taille, le professeur a codirigé une équipe internationale de près de 300 chercheurs qui a analysé le code génétique de quelque 183 000 individus d'origine caucasienne. Cette étude, publiée en octobre 2010 dans la revue Nature, a permis de découvrir 180 variations génétiques ayant un effet sur la taille d'une personne.
"Chacune de ces variations a un effet minime de l'ordre de deux à trois millimètres, ce qui est plus faible que l'effet de la gravité au cours d'une journée, explique le chercheur. Les 180 sites repérés n'expliquent que 10 % de la variation génétique de la taille, ce qui est loin des 80 % estimés. La taille est donc un phénotype simple, mais dont la génétique est très complexe."
Même s'il y a encore loin de la coupe aux lèvres, cette étude a permis de faire un pas important dans la connaissance des facteurs génétiques qui font que nous sommes tous de taille plus ou moins différente. De plus, comme les 180 variations observées ne sont pas réparties au hasard dans le génome mais plutôt dans des gènes qui remplissent des fonctions semblables, ces résultats ont également permis d'établir la valeur scientifique des études d'associations pangénomiques, soutient Guillaume Lettre.
Confirmation africaine
Il restait à savoir si les facteurs génétiques mis au jour
chez les Caucasiens étaient aussi présents chez les populations
africaines ou de descendance africaine, et si ces facteurs jouaient le
même rôle dans les deux ensembles de populations.
"Cette étude nous a permis de confirmer la première, ce qui signifie que la plupart des variants génétiques déterminant la taille chez les populations caucasiennes se trouvent également dans les populations d'origine africaine", affirme le chercheur.
Outre cette confirmation, deux régions supplémentaires, influant sur la variation de la taille et absentes chez les Européens, ont été découvertes chez les Africains. Ces polymorphismes génétiques ne signifient toutefois pas qu'il y ait plus de variabilité dans les tailles entre les Africains qu'entre les Caucasiens.
"Il peut donc être utile de mener des études en génétique des maladies complexes sur d'autres populations que celles d'origine européenne. Toutes ces données nous permettront de mieux comprendre d'autres maladies génétiques encore plus complexes, notamment les maladies cardiovasculaires d'origine polygénique", espère-t-il.
Cette seconde étude a été publiée dans le numéro d'octobre 2011 de la revue PLoS Genetics. Le premier auteur de l'article, Amidou N'Diaye, est chercheur postdoctoral au laboratoire de Guillaume Lettre à l'Institut de cardiologie de Montréal.