Exposition au froid: un étonnant poêle à gras
Par Benje le mardi, février 7 2012, 23:02 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Jean Hamann - Université Laval
Pour la première fois, des chercheurs quantifient la contribution de la graisse brune à la thermogénèse chez l'humain.
À la naissance, les bébés possèdent un tissu adipeux spécial qui, en
plus de stocker des graisses, a la capacité de les brûler pour maintenir
la température
du corps. Jusqu'à tout récemment, on croyait que ce tissu, appelé
graisse brune, disparaissait après l'âge d'un an. Il semble toutefois en
subsister suffisamment chez les jeunes adultes pour influencer
fortement leur métabolisme lors d'une exposition au froid, vient de
démontrer une équipe de chercheurs dans The Journal of Clinical Investigation.
Cette équipe, formée de chercheurs des universités Laval, de Sherbrooke
et d'Ottawa, est parvenue à activer la graisse brune de six hommes, âgés
de 23 à 42 ans, en induisant une baisse de leur température cutanée de
3,8 degrés. Pour y arriver, les sujets ont revêtu une combinaison munie d'une tubulure dans laquelle circule de l'eau
refroidie à 18 degrés Celsius; la température de la peau diminue sans
abaisser la température centrale du corps et sans provoquer de
frissonnement, ce qui permet d'isoler l'effet thermogénique de la
graisse brune.
Pendant les trois heures où les sujets étaient exposés au froid, les chercheurs ont mesuré, à l'aide d'un appareil de tomographie d'émission par positrons et de traceurs de consommation d'énergie,
de glucose et de gras, les changements métaboliques induits par cette
exposition au froid. Résultats? Le froid active la graisse brune sans
provoquer d'augmentation du métabolisme dans les muscles ou les tissus
adipeux adjacents. Cette activation
est accompagnée d'une hausse de 80 % de la dépense énergétique des
sujets; ce sont surtout des lipides stockés dans la graisse brune qui
ont servi de combustible.
"C'est la première fois que la thermogénèse liée à l'activation de la
graisse brune est quantifiée chez l'humain. Bien qu'elle soit nettement
inférieure à celle induite par l'activitéphysique, elle augmente tout de même le métabolisme de façon notable", souligne le professeur Denis Richard, de la Faculté de médecine. Ce spécialiste de la graisse brune croit d'ailleurs que cette chaudière
métabolique pourrait être mise à contribution pour brûler des calories.
"Nous ne recommandons pas aux gens de s'exposer volontairement au froid
pour activer leur graisse brune, précise-t-il d'emblée. Par contre,
s'il existait des molécules qui stimulent les mêmes mécanismes
cellulaires que ceux impliqués dans l'activation de la graisse brune par
exposition au froid, elles pourraient s'ajouter aux autres moyens dont
on dispose pour combattre l'obésité."
L'article paru dans The Journal of Clinical Investigation est signé par Véronique Ouellet et Denis Richard, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche
de l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec,
Sébastien Labbé, Serge Phoenix, Brigitte Guérin, Éric Turcotte et André
Carpentier (U. de Sherbrooke), et Denis Blondin et François Haman (U.
d'Ottawa).