Le bexarotène, autorisé en France pour le traitement de cancers de la peau, a permis de soigner des souris souffrant de cette pathologie neurologique en trois jours. La transposition à l'homme s'annonce toutefois complexe.

Un médicament déjà autorisé par les autorités sanitaires pour traiter certains cancers de la peau permettrait de soigner la maladie d'Alzheimer. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre dans les médias. À l'origine de cet emballement, les travaux de chercheurs américains qui ont démontré que le bexarotène permettait de renverser le processus neurodégénératif de la pathologie chez des souris. Ils montrent que la molécule a permis de débarrasser en seulement trois jours le cerveau des cobayes des plaques d'amyloïdes qui jouent un rôle important dans la dégénérescence des neurones. Les chercheurs ont alors observé une amélioration des capacités cognitives dégradées des animaux malades.

Après lecture de ces résultats, la conclusion semble s'imposer d'elle-même: il faut rapidement tester sur l'homme ce composé, déjà disponible sur le marché, et faire la preuve de son efficacité. Les auteurs de l'étude, parue dans Science, ne se privent pas d'envisager ce scénario. S'il est bien tentant de les croire, il y a en réalité peu de chances pour que leurs observations encourageantes débouchent rapidement sur un traitement miracle.

Une prise régulière très toxique

Pour commencer, «les traitements anticancéreux sont très toxiques», rappelle Luc Buée, neurobiologiste et directeur de l'unité Inserm «Alzheimer et Tauopathies». «Les autorités sanitaires ne donneront pas forcément leur accord à un test clinique. La maladie d'Alzheimer est très grave mais elle n'est pas aussi foudroyante que les cancers traités avec du bexarotène.» La pathologie nécessiterait en effet une prise régulière qui pourrait se révéler plus dangereuse que bénéfique.

D'autre part, «rien ne permet d'assurer que ce composé actif franchira la barrière du cerveau chez l'homme», ajoute Luc Buée. «Les médicaments à base de bexarotène n'ont pas été pensés pour cela.» Quand bien même ils y parviendraient, «la disparition des plaques d'amyloïdes ne garantirait pas le rétablissement du malade». Des thérapies agissant sur ces mêmes plaques ont déjà été testées et n'ont pas permis de restaurer les capacités cérébrales de patients très atteints: une fois que les neurones sont morts, il est déjà trop tard.

Une efficacité «révolutionnaire»

N'y a-t-il donc pas matière à espérer? Il serait tout aussi faux de se l'interdire. «Les vaccins thérapeutiques actuellement en phase III (le dernier stade avant une éventuelle mise sur le marché pour les hommes, ndlr) mettaient plusieurs mois à faire disparaître les amyloïdes, là où le bexarotène s'est montré efficace en moins de 72 heures. En soi, c'est déjà révolutionnaire», s'enthousiasme Luc Buée.

Ces travaux ont également permis de valider une hypothèse importante. «Le bexarotène stimule la production des Apolipoprotéine E (APOE), une molécule qui permet le renouvellement du bon cholestérol dans le cerveau, explique le neurobiologiste. On a maintenant la preuve que cette APOE joue un rôle dans le transport du peptide-poison amyloïde.» Cela devrait par exemple permettre de comprendre pourquoi certaines personnes porteurs d'une double mutation génétique que l'ont trouve chez 2% de la population française ont 60 à 80% de risques de développer la maladie. «Les vaccins en cours de développement ne marchent pas pour cette population particulière», indique Luc Buée. «Sans être euphorique, le bexarotène peut leur ouvrir des perspectives de traitement alternatif.»