Source: Jean Hamann - Université Laval

Des chercheurs du Centre d'études nordiques découvrent les vestiges d'une des premières forêts postglaciaires de la région de Québec.

Des souches d'épinettes et de mélèzes datant de plus de 9 000 ans ont été découvertes dans une tourbière située à Saint-Lambert-de-Lauzon. Cette découverte a été faite par l'étudiant-chercheur Julien Colpron-Tremblay, du Département de géograpahie, lors de ses travaux de doctorat. "Il est très rare de trouver de tels mégafossiles dans la région, et ces souches seraient des vestiges des premières forêts qui se sont constituées sur la Rive-Sud de Québec après la déglaciation et le retrait des mers postglaciaires", souligne le professeur Martin Lavoie, qui supervise les travaux du doctorant.

La dizaine de souches exhumées par Julien Colpron-Tremblay appartenaient à de petits arbres. Le diamètre de leur base ne dépasse pas 20 cm. "Ils avaient probablement l'allure des épinettes rabougries que l'on trouve aujourd'hui à la limite des forêts dans le Nord du Québec", précise-t-il. Ces arbres sont morts sur pied alors qu'ils étaient âgés de 60 à 100 ans.

Ces souches reposaient sous une couche de tourbe d'environ trois mètres d'épaisseur. Elles étaient dans un état de conservation remarquable compte tenu de leur âge. "L'entourbement s'est probablement produit rapidement, ce qui a empêché la décomposition du bois", avance l'étudiant-chercheur. Comme les cernes de croissance sont bien visibles, il sera possible d'en mesurer l'épaisseur et de déduire les fluctuations de température survenues à cette époque. L'analyse des macrofossiles et des grains de pollen conservés dans la tourbe lui permettra également de reconstituer la composition des communautés végétales initiales du site.

Pas un hasard

Ce n'est pas exactement le hasard qui a permis à l'étudiant-chercheur de mettre la main sur ces souches. "Mes travaux portent sur les toutes premières communautés forestières apparues après les glaciations. Pour trouver des vestiges de ces forêts, j'ai visité plusieurs tourbières exploitées dans les basses terres du Saint-Laurent. Les conditions qui existent dans ce milieu favorisent la conservation des restes végétaux." Pourquoi chercher ces vestiges dans des tourbières exploitées plutôt que dans des tourbières non perturbées? "Parce qu'il aurait été très difficile d'enlever entre trois et cinq mètres de tourbe pour chercher les restes des premières forêts postglaciaires", répond-il pragmatiquement.

Malgré leur âge vénérable, les arbres trouvés à Saint-Lambert ne sont pas les plus vieux à avoir été découverts dans la région de Québec. En effet, au milieu des années 1980, la professeure Louise Filion, codirectrice des travaux de Julien Colpron-Tremblay, avait exhumé des restes d'épinettes datant de 10 000 ans dans des dunes de Saint-Flavien de Lotbinière. L'étudiant-chercheur a toutefois découvert, dans une autre tourbière, un tronc d'arbre mort qui pourrait dater de la même époque. Les résultats d'une datation au carbone 14 devraient tirer la question au clair.

La région de Québec a connu trois grandes périodes végétales depuis la dernière glaciation. La première, marquée par la présence de plantes arctiques et d'arbustes typiques de la toundra, commence après le retrait du glacier, il y a environ 11 000 ans, et dure entre 500 et 1 000 ans. À la faveur du réchauffement du climat, les épinettes noires, les pins gris et les bouleaux blancs s'installent dans la région, formant des forêts très ouvertes. C'est lors de cette phase de boisement, qui s'échelonne sur 1 000 ans, qu'est apparue la forêt d'où proviennent les souches découvertes à Saint-Lambert. Dans ce site, un entourbement a sonné la fin de la végétation forestière. Ailleurs, les sapins et les pins se sont installés, suivis plus tard par des feuillus comme le bouleau jaune et l'érable à sucre. Depuis 5500 ans, l'érablière à tilleul domine le paysage naturel dans la région de Québec.