Supprimer des souvenirs pour maîtriser la douleur chronique
Par Benje le vendredi, février 17 2012, 22:25 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Une nouvelle étude indique que la suppression de souvenirs neuronaux pourrait contribuer à maîtriser la douleur persistante.
Pour certains, la douleur est si accablante qu'ils ne peuvent tolérer le
contact d'un vêtement sur la peau. Pour d'autres, chaque pas est un
choix délibéré et douloureux. Qu'elle soit causée par des articulations
arthritiques, une blessure à un nerf
ou une maladie comme la fibromyalgie, une nouvelle étude révèle que des
solutions pourraient s'offrir aux personnes souffrant de douleur
chronique.
Sous la direction du neuroscientifique de l'Université McGill de Montréal,
Terence Coderre, une équipe de chercheurs a découvert la clé permettant
de comprendre comment les souvenirs de douleur sont emmagasinés dans le
cerveau. Par ailleurs, les chercheurs peuvent proposer des pistes de
solution quant à la suppression de tels souvenirs, ce qui réduirait la
douleur chronique.
On sait depuis longtemps que le système nerveux central se souvient d'expériences douloureuses, lesquelles laissent une trace
mnésique de douleur. Et lorsque surgit une nouvelle stimulation
sensorielle, la trace mnésique de douleur présente dans le cerveau
amplifie cette sensation, à un point tel qu'une douce caresse peut devenir insoutenable.
"Le meilleur exemple de trace mnésique de douleur est peut-être celui du
membre fantôme", a déclaré le professeur Coderre, qui est aussi attaché
à l'Institut de recherche
du Centre universitaire de Santé McGill. "Mentionnons par exemple le
cas d'un patient atteint de gangrène et dont le membre nécrosé est
amputé. Si ce dernier était douloureux avant l'amputation, il arrive que
la douleur persiste une fois l'intervention terminée. Un tel cas
s'explique ainsi: le cerveau se souvient de la douleur. Il existe
d'ailleurs des preuves soutenant que toute douleur qui se prolonge
pendant plus de quelques minutes laisse une trace dans le système nerveux." Présente au niveau neuronal, cette mémoire
de la douleur est cruciale au développement de la douleur chronique.
Toutefois, jusqu'à maintenant, on ne savait pas comment ces souvenirs de
douleur étaient emmagasinés dans les neurones.
De récents travaux ont permis de démontrer que la protéine Kinase M zéta
joue un rôle essentiel dans la construction et le maintien de la
mémoire, en renforçant les connexions neuronales. Le professeur Coderre
et ses collègues ont prouvé que la protéine Kinase M zéta est également
la clé pour comprendre comment la douleur est emmagasinée dans les
neurones. Les chercheurs ont pu démontrer qu'après une stimulation
douloureuse, le niveau de protéine Kinase M zéta augmente de manière
persistante dans le système nerveux central.
Plus important encore, les chercheurs ont découvert qu'en bloquant l'activité de la protéine Kinase M zéta au niveau neuronal, ils pouvaient inverser l'hypersensibilité à la douleur développée
par les neurones après qu'on ait irrité l'épiderme en y appliquant de
la capsaïcine – l'ingrédient actif du piment fort. Ils ont par ailleurs
constaté que la suppression de cette trace mnésique de douleur réduit la
douleur persistante et l'hypersensibilité au toucher.
En tablant sur ces travaux quant à l'élaboration de méthodes de ciblage
de la protéine Kinase M zéta dans les trajectoires de la douleur, le
professeur Coderre et ses collègues croient qu'ils pourraient obtenir de
précieuses données destinées au traitement de personnes atteintes de douleur chronique. "Un grand nombre
de médicaments ciblent la douleur au niveau des membres inférieurs et
supérieurs, en réduisant l'inflammation ou en activant les systèmes
analgésiques cérébraux pour réduire la sensation de douleur", a déclaré
Terence Coderre. "C'est la première fois que nous pouvons entrevoir des
médicaments qui cibleront une trace mnésique de douleur comme moyen de
réduire l'hypersensibilité à la douleur. Nous croyons qu'il s'agit d'une avenue qui pourrait offrir un nouvel espoir à ceux qui souffrent de douleur chronique."
On peut lire l'article complet (en anglais) à: http://www.molecularpain.com/content/7/1/99