Source: Daniel Baril - Université de Montréal

Malgré la course au vaccin contre le sida, l'épidémie continue de faire des ravages un peu partout dans le monde. Actuellement, plus de 33 millions de personnes vivent avec le VIH sur la planète et les trois quarts d'entre elles habitent en Afrique subsaharienne. "Dans cette région du monde, les femmes représentent plus de 60 % des cas et cette proportion est en hausse constante", précise le Dr Michel Roger, professeur au Département de microbiologie et immunologie de l'Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche du CHUM. Depuis une quinzaine d'années, le professeur mène des travaux de recherche auprès des femmes du Bénin et du Zimbabwe afin de comprendre les mécanismes immunologiques et moléculaires en jeu dans la transmission du VIH.

Ces pays ont été ciblés non seulement parce que de nombreuses femmes y sont affectées par la maladie, mais aussi parce qu'on y rencontre une catégorie de femmes qui ont toujours intrigué les chercheurs: les travailleuses du sexe qui ont été en contact avec le virus mais qui demeurent séronégatives. "L'étude de ces femmes naturellement résistantes à l'infection permettra d'obtenir des données probantes pour la mise au point de vaccins ou microbicides contre le VIH", estime le chercheur.

Moins de véhicules pour le VIH

Les travaux de l'équipe du Dr Roger ont montré que les prostituées résistantes au VIH présentent une réponse immunitaire vaginale très faible alors que les chercheurs s'attendaient au contraire à observer une forte réaction immunitaire étant donné l'exposition importante au virus.

Au contact du VIH, les cellules immunitaires vaginales de ces femmes semblent donc produire moins de molécules inflammatoires (cytokines et chémokines) que celles des sidéennes. Ces deux protéines sont des signaux qui commandent notamment l'action et le recrutement  de lymphocytes T, lesquels s'attaquent normalement à l'agent infectieux pour le détruire.
Mais le VIH est très rusé. Ce sont précisément les lymphocytes T qu'il utilise pour envahir l'organisme. "Moins il y a de lymphocytes T, moins le virus a de véhicules à sa disposition pour contaminer l'organisme", explique le Dr Roger.

En outre, en comparant les réponses immunitaires dans le sang et dans le vagin de ces femmes, le chercheur a constaté que la réponse immunitaire dirigée contre le VIH dans la muqueuse vaginale est très différente de celle observée dans le sang chez une même femme.
Les recherches se poursuivent afin de mieux comprendre les mécanismes moléculaires derrière cette réponse davantage contrôlée et plus efficace des cellules immunitaires. Des facteurs génétiques pourraient être en cause comme le laisse croire le fait que des soeurs qui sont dans le même milieu affichent le même profil de résistance au VIH.

Nouvelle voie pour un vaccin

Ces nouvelles connaissances montrent qu'il serait sans doute avantageux de viser l'élaboration d'un vaccin qui bloque l'entrée du virus dans la zone de contact plutôt que de chercher à le combattre de l'intérieur de l'organisme.

"Les recherches sur un vaccin contre le sida ont toutes porté sur la voie sanguine et cette approche a été jusqu'ici un échec, déclare le professeur. Nos travaux ont montré que la réponse immunitaire est différente au site d'infection; il faut donc se tourner vers les portes d'entrée pour découvrir un moyen de bloquer le virus."

Le vaccin envisagé pourrait être administré par voie nasale et immuniserait toutes les muqueuses de l'organisme.