Audrey Chauvet

DÉCRYPTAGE - Dans le cadre de la campagne de la Ligue ROC, qui va comparer les programmes des candidats à la présidentielle sur le thème de la biodiversité, «20 Minutes» revient sur les enjeux. Cette semaine, comment la biodiversité peut-elle nous protéger contre les épidémies...

Épidémie de grippe aviaire, vache folle et maladie de Creutzfeldt-Jakob, virus H1N1 né dans les élevages porcins… Les animaux n’ont pas le beau rôle dans les crises sanitaires qui ont marqué la dernière décennie. Mais la plupart du temps, ce ne sont pas les espèces sauvages qui sont en cause: c’est la domestication et la sélection des espèces qui a engendré des risques de transmission des virus à l’homme. Gilles Pipien, expert en développement urbain durable à la Banque mondiale, est convaincu que l’homme aurait intérêt à mieux comprendre la nature pour éviter de s’exposer à des épidémies meurtrières.

Élevage, commerce, déplacements: l’homme aggrave son cas

Alors que l’on soupçonne souvent les oiseaux migrateurs ou les animaux sauvages de transporter des maladies comme la rage ou la grippe aviaire, Gilles Pipien rappelle que c’est bien souvent l’activité humaine qui favorise la propagation des maladies. «Les virus proviennent souvent des animaux domestiques car ils se transmettent plus facilement dans les élevages: quand on a 100.000 poulets entassés, en trois jours tout un élevage peut être contaminé».

Second facteur aggravant, le commerce international et les transports. Ainsi, Gilles Pipien explique que la grippe aviaire, arrivée en France en 2005, a été plus probablement importée avec les volailles destinées au commerce que par les oiseaux migrateurs. Le virus du Nil occidental se serait quant à lui transporté d’Afrique à New York en 1999 en suivant les moustiques clandestins dans les avions. Sa propagation aux Etats-Unis est pour Gilles Pipien un exemple parlant de la capacité de la nature à s’auto-soigner: «Le virus a pris deux chemins: il est descendu vers la Floride puis a traversé rapidement le pays jusqu’en Californie à travers les grandes plaines agricoles où il ne reste qu’une ou deux espèces d’oiseaux. Le virus a donc pu rapidement s’adapter et est devenu virulent. Au contraire, sur le second chemin au nord, il y a encore quarante à cinquante espèces et le virus n’a pas muté assez vite pour toutes les contaminer, il a perdu de sa force.» Conclusion: «La biodiversité est un facteur de maîtrise des virus, car il y a toujours une espèce capable de développer des anticorps», assure Gilles Pipien.

Des mutations génétiques pour contrer les virus

La nature est bien faite: en général, les nouvelles menaces sont vite désamorcées par des stratégies de protection. Par exemple, les abeilles d’Asie savent comment se protéger du frelon asiatique: «La moitié de la ruche vient voler très vite autour de lui, ce qui fait monter la température au-dessus de 45°C et fait mourir le frelon», illustre Gilles Pipien. Inutile donc de s’armer de produits chimiques, qui ne font que renforcer la résistance des organismes, comme ce fut le cas des moustiques vecteurs du paludisme qui se sont armés contre le DDT utilisé pour les exterminer.

«Nous n’avons pas compris comment marche le vivant et son système d’adaptation, déplore Gilles Pipien. A chaque génération, il y a une petite mutation des gènes qui fait que si on sélectionne les individus, on perd cette diversité génétique qui permet de contrer les virus.» Laisser la nature faire le nettoyage serait donc le meilleur moyen de se prémunir contre les épidémies, ce qui suppose de protéger la biodiversité en évitant d’urbaniser excessivement ou de détruire la forêt.