Observer en temps réel les effets des anesthésiques sur le cerveau
Par Benje le dimanche, mars 18 2012, 21:38 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Des équipes (1) du CEA, de l'Inserm, de l'Hôpital Henri Mondor
(AP-HP) et de l'Université Paris-Est Créteil (UPEC) viennent de montrer,
grâce à un système unique au monde d'IRM à ultra-haut champ magnétique,
et dédié à l'imagerie du petit animal, qu'il est possible d'observer en temps réel l'action des agents anesthésiques sur la vascularisation du cerveau.
Ces résultats permettront à terme de comprendre les effets encore mal
connus de l'anesthésie générale sur le cerveau et l'action de nouveaux
agents anesthésiques chez l'homme.Elle montre également le potentiel de
ces dispositifs IRM à ultra-haut champ magnétique,
qui fournissent des images plus précises de la physiologie cérébrale,
de résolutions bien supérieures à celles obtenues avec les IRM
actuellement utilisés dans les hôpitaux.Ces résultats viennent d'être
publiés en ligne par la revue PloS ONE.
Que se passe-t-il dans le cerveau lorsque l'on administre des agents anesthésiques ?
Des millions de personnes dans le monde subissent chaque année
une anesthésie générale. Et pourtant, même si l'acte est considéré
comme relevant de la routine, la compréhension des phénomènes
physiologiques qui sous-tendent l'anesthésie générale au niveau du
cerveau demeure un défi en biologie et en médecine.
Actuellement les chercheurs disposent à NeuroSpin (2), d'un imageur IRM à ultra-haut champ
magnétique (17,2 Teslas) destiné à effectuer de l'imagerie sur le
rongeur. Grâce à cet imageur, des équipes du CEA, de l'Inserm, de
l'Hôpital Henri Mondor (AP-HP) et de l'UPEC ont pour la première fois
réussi à observer en temps réel l'action des agents anesthésiques sur la
vascularisation du cerveau. Ils ont ainsi montré que l'administration
de certains anesthésiques se traduit par une augmentation du contraste
observé sur les images entre les tissus et les veines, et que tous les
agents anesthésiques ne produisent pas le même effet.
"Les contrastes différents que nous observons dans nos images sont
directement liés aux effets des différents agents anesthésiques sur le
niveau de l'oxygénation du sang dans le cerveau" explique Luisa Ciobanu,
chercheuse à NeuroSpin, qui a mené cette étude. "Ces niveaux
d'oxygénation reflètent des changements du débit sanguin cérébral ou du métabolisme basal, c'est-à-dire de la quantité d'énergie
minimale permettant de faire fonctionner l'organisme au repos. L'étude
sur le fonctionnement cérébral en temps réel par IRM à très haut champ
apporte des informations que l'analyse du niveau d'oxygénation dans la circulation sanguine périphérique ne peut pas donner".
Ces résultats ouvrent des perspectives pour l'évaluation de nouveaux
agents anesthésiques et pour la compréhension des effets encore mal
connus de l'anesthésie générale sur le cerveau, notamment chez l'homme.
"Ils laissent également envisager d'autres applications possibles pour
cette technique, comme par exemple l'étude des perturbations de la
circulation sanguine cérébrale associées aux maladies
neurodégénératives", concluent les chercheurs. Au-delà de leur intérêt
pour l'étude des effets des agents anesthésiques sur le cerveau, ces
résultats obtenus chez l'animal soulignent l'importance des ultra-haut
champs magnétiques pour l'IRM. Ces dispositifs sont cependant loin
d'être à la disposition des médecins qui ne sont souvent équipés dans
les hôpitaux que d'IRM à 1,5 Teslas, et rarement à 3 Teslas. Pour des
raisons technologiques, le développement d'imageurs IRM à ultra-haut
champ magnétique destinés à l'homme reste un véritable challenge.
Avec le projet
Iseult, dont l'objectif est de développer un imageur IRM opérant à
11,75 Tesla destiné à l'utilisation chez l'homme, le CEA, en
collaboration avec Siemens, Alstom et Guerbet, tente de relever ce défi.
L'aimant de cet imageur devrait être installé, courant 2013, à NeuroSpin.
Notes: (1) NeuroSpin, Institut d'imagerie Biomédicale de la Direction des
sciences du vivant du CEA ; équipe Avenir Inserm Bettencourt Schueller,
IFR49 ; UF Neurochirurgie fontionnelle, Hôpital Henri Mondor (AP-HP) et UPEC
(2) NeuroSpin: centre de recherche en neuroimagerie par IRM à ultra haut champ magnétique situé sur le centre CEA de Saclay.
Référence: Effects of Anesthetic Agents on Brain Blood Oxygenation Level Revealed with Ultra-High Field MRI. Luisa Ciobanu, Olivier Reynaud, Lynn Uhrig, Béchir Jarraya, Denis Le Bihan. PloS ONE, 2012.