La morphine, un jour sans effets secondaires ?
Par Benje le samedi, mars 24 2012, 21:13 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
La morphine est utilisée depuis plusieurs siècles pour soulager les douleurs intenses. Ses propriétés antidouleur sont toutefois accompagnées d'effets secondaires importants. La morphine mime l'action de molécules produites naturellement par le cerveau (les endorphines). Pourquoi alors a-t-elle des effets secondaires aussi délétères ? L'explication vient d'être apportée par l'équipe de Sébastien Granier, chercheur à l'Institut de génomique fonctionnelle (Inserm/CNRS/Universités de Montpellier 1 et 2) et ses collaborateurs américains. La structure 3D des récepteurs du cerveau sur lesquels se fixent la morphine ou les endorphines, est probablement différente selon que l'une ou l'autre des molécules s'y fixe. La réponse de l'organisme, va, de fait, être totalement modifiée. Grâce à cette découverte, les chercheurs espèrent réussir à conserver les effets bénéfiques de la morphine sans pour autant induire d'effets secondaires. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature datée du 21 mars 2012.
L'opium, produit naturel extrait du pavot (Papaver somniferum),
est une des plus anciennes drogues connues par l'Homme pour ses
propriétés psychotropes, sédatives et analgésiques. Ces effets sont
induits par son composant majeur, la morphine, qui est largement
utilisée de nos jours en clinique pour soulager la douleur.
L'action de la morphine est relayée par les récepteurs µ-opiacés exprimés à la surface des cellules du système nerveux
central. Ces récepteurs font partie d'une superfamille de protéines,
les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) qui sont la cible
d'environ 30 % des médicaments actuellement sur le marché.
Au niveau moléculaire, la morphine, en se liant aux récepteurs
µ-opiacés, mime l'action de molécules produites naturellement dans le
cerveau: les endorphines. Cependant son utilisation en clinique est
limitée par deux effets. D'une part, le développement d'un phénomène de
tolérance oblige à augmenter la dose de morphine au fur et à mesure des
injections répétées pour obtenir le même effet thérapeutique. D'autre
part, la consommation de morphine entraine un phénomène de dépendance
comme la drogue (l'héroïne, forme acétylée de la morphine, étant
l'exemple le plus édifiant). De plus, la morphine provoque de graves
effets secondaires: dépression respiratoire, constipation, dépendance physique
et psychique. Ces effets délétères s'expliquent notamment par le fait
que la morphine déclenche une réponse cellulaire différente de celle
induite par les endorphines. La morphine et les endorphines se liant au
même récepteur, ces deux molécules stabiliseraient les récepteurs
µ-opiacés dans des conformations spatiales distinctes à l'origine des
différences de réponses biologiques.
"Dans le but de développer des molécules conservant les effets
bénéfiques de la morphine sans pour autant induire d'effets secondaires,
il est donc indispensable de comprendre les bases structurales de
l'action de la morphine et des opiacés en général" explique Sébastien
Granier, chercheur à l'Inserm et principal auteur de ce travail.
Le travail réalisé par Sébastien Granier et l'équipe de Brian Kobilka à
Stanford, a permis de résoudre la structure tridimensionnelle du
récepteur µ-opiacé lorsqu'il est associé à une molécule présentant une
structure chimique proche de celle de la morphine.