Un nouveau traceur, 300 fois plus sensible que ceux actuellement disponibles, a été mis au point par les chercheurs du CEA, du CNRS et de l'École normale supérieure de Lyon pour déterminer et localiser le zinc par imagerie. Grâce à cette sensibilité accrue, il permet de visualiser de faibles concentrations de zinc, de l'ordre de celles présentes chez l'Homme – ce que les techniques actuelles d'imagerie médicale ne permettent pas. Ce traceur s'avère prometteur pour améliorer le diagnostic des pathologies associées à des dérégulations dans le métabolisme du zinc (Alzheimer, insuffisance rénale chronique...). Ces résultats ont été publiés le 12 mars 2012 sur le site de la revue Angewandte Chemie International Edition.

Enjeux de la visualisation des métaux in vivo: exemple du zinc

L'imagerie médicale d'aujourd'hui ne permet pas de visualiser avec précision certains métaux présents dans notre organisme, notamment le zinc. Cet oligo-élément (1) a pourtant un rôle essentiel, et sa concentration doit être finement régulée. Il est impliqué dans le fonctionnement de plus de 300 protéines indispensables à nos cellules. Plusieurs pathologies sont liées à des dérèglements de son métabolisme: une diminution de sa présence dans le sang est associée à l'insuffisance rénale chronique ; de fortes concentrations en zinc au niveau des plaques amyloïdes sont observées dans la maladie d'Alzheimer...

Localiser le zinc dans notre corps par imagerie médicale permettrait de mieux dépister et diagnostiquer ces pathologies. Cependant les meilleures méthodes d'imagerie actuelles ne permettent pas de détecter les concentrations de zinc inférieures à 30 µmol/L (2), alors qu'elles n'excèdent pas 20 µmol/L dans le sang par exemple.

Une nouvelle sonde pour mieux visualiser le zinc

Le développement de nouveaux traceurs pour améliorer l'imagerie du zinc en faible concentration est donc nécessaire. Les scientifiques de l'iBiTec-S 3(CEA), du Service interdisciplinaire sur les systèmes moléculaires et les matériaux (SIS2M, CEA/CNRS), en partenariat avec le Laboratoire de chimie (CNRS / ENS de Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1), ont développé un nouveau biocapteur pour visualiser spécifiquement ce métal par imagerie de résonance magnétique (IRM). Cette visualisation est basée sur la formation d'un complexe moléculaire comportant une molécule-cage, un atome de xénon, et le zinc.

La sonde développée par les chercheurs est constituée de deux parties fonctionnelles aux rôles distincts:
- une molécule-cage, de type cryptophane, contenant une poche hydrophobe qui va encapsuler un atome de xénon-129 hyperpolarisé (4), lui donnant un environnement magnétique particulier ;
- un "bras", fixé sur la molécule-cage, comportant à son extrémité un motif de reconnaissance du zinc.
La liaison du zinc sur la cage provoque un changement d'environnement qui se répercute sur la fréquence de résonance du xénon. Les chercheurs peuvent visualiser par IRM ces changements d'état, et ainsi localiser les endroits de fixation du zinc à la sonde.

C'est la grande sensibilité du xénon-129 hyperpolarisé qui permet de repérer le zinc par IRM, même en faible quantité. Le signal de résonance magnétique du xénon encapsulé, très différent de celui du xénon libre, varie significativement lorsque le zinc est fixé à la sonde.
La haute sensibilité apportée par l'hyperpolarisation du xénon permet la détection de quantités de zinc 300 fois inférieures à celles estimées avec les agents de contrastes actuels (0,1 µmol/L contre 30 µmol/L).
Les scientifiques ayant démontré l'efficacité de cette approche in vitro, le défi consiste désormais à l'appliquer in vivo, pour ensuite la transposer aux dispositifs actuels d'imagerie médicale des hôpitaux. Cette approche pourrait même être élargie à la visualisation d'autres oligoéléments, en développant des sondes spécifiques.