Source: CNRS-INSB

Une équipe du laboratoire Génétique moléculaire, génomique et microbiologie (GMGM, CNRS/Université de Strasbourg) a isolé une nouvelle souche bactérienne, du genre Paenibacillus, capable de recycler la matière organique complexe dans des environnements aux conditions extrêmes, tels que les drainages miniers acides. Ce travail, publié dans Microbial Cell Factories, a été réalisé en collaboration avec le Laboratoire d'ingénierie des polymères pour les hautes technologies (LiPHT, Ecole européenne de chimie polymères et matériaux de l'Universié" de Strasbourg).

Le recyclage de la matière organique complexe est une fonction majeure pour tout écosystème, en particulier dans des environnements oligotrophes extrêmes comme les drainages miniers acides, où la quantité de matière organique est moindre. Les bactéries indigènes capables de dégrader des polymères peuvent donc jouer un rôle important dans le fonctionnement de leurs communautés, en fournissant des sources carbonées simples et facilement assimilables. Cette fonction doit pouvoir être conservée lorsque les conditions environnementales changent, c'est à dire lorsque la structure de la communauté varie.

Les chercheurs du laboratoire GMGM ont isolé une souche appartenant au genre Paenibacillus dans le drainage minier acide de Carnoulès dans le Gard. Avec l'aide du LiPHT, ils ont montré que cette souche est capable de résister à d'importantes variations de pH (de 3 à 9) ou de concentration en arsenic (de 0 à 1 800 mg/L). Une approche fonctionnelle leur a ensuite permis de mettre en évidence son aptitude à dégrader efficacement deux types de polymères, l'amidon et le xylane, dans une large gamme de pH (de 4 à 10) et de concentration en arsenic (de 0 à 750 mg/L).

Grâce à une analyse des produits de dégradation sur les extraits bruts par PACE (Polysaccharide analysis using carbohydrate gel electrophoresis), les chercheurs ont également démontré le caractère constitutif de l'expression des gènes de dégradation de l'amidon et le caractère inductible des gènes de dégradation du xylane. Enfin, le criblage fonctionnel d'une banque d'ADN de la souche nouvellement isolée leur a permis de caractériser certains des gènes responsables de ces dégradations. De façon inattendue, l'un d'entre eux code pour une protéine de fonction inconnue, qui ne possède aucun domaine catalytique connu.

Cette étude illustre pour la première fois le rôle central d'une bactérie cultivée dans la dégradation de la matière organique complexe au sein d'un drainage minier acide. Les métabolites résultants de la dégradation sont utilisés par la communauté bactérienne afin d'assurer son bon fonctionnement et d'augmenter sa résilience. La souche de Paenibacillus qui a été identifiée semble donc cruciale dans l'équilibre de cette communauté, non seulement parce qu'elle apporte des éléments nutritifs simples, mais aussi et surtout parce qu'elle conserve sa capacité à dégrader les polymères suite à des changements considérables de son environnement.

Plus globalement, ces travaux suggèrent l'importance du rôle assuré par les bactéries polymères-dégradantes dans des sites oligotrophes. Ils ouvrent également à un écosystème inexploré, le champ d'étude d'enzymes d'intérêt industriel et/ou médical aux propriétés insoupçonnées, les drainages miniers acides pouvant maintenant être considérés comme un nouveau réservoir de gènes.

Référence: Deciphering the role of Paenibacillus strain Q8 in the organic matter recycling in the acid mine drainage of Carnoulès, François Delavat, Vincent Phalip, Anne Forster, Marie-Claire Lett, Didier Lièvremont, Microbial Cell Factories (2012), doi:10.1186/1475-2859-11-16.