Un fournisseur de matière organique en milieux extrêmes
Par Benje le samedi, mars 24 2012, 18:08 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS-INSB
Une équipe du laboratoire Génétique moléculaire, génomique et
microbiologie (GMGM, CNRS/Université de Strasbourg) a isolé une nouvelle
souche bactérienne, du genre Paenibacillus, capable de recycler la
matière organique complexe dans des environnements aux conditions
extrêmes, tels que les drainages miniers acides. Ce travail, publié dans
Microbial Cell Factories, a été réalisé en collaboration avec le Laboratoire d'ingénierie des polymères pour les hautes technologies (LiPHT, Ecole européenne de chimie polymères et matériaux de l'Universié" de Strasbourg).
Le recyclage de la matière organique
complexe est une fonction majeure pour tout écosystème, en particulier
dans des environnements oligotrophes extrêmes comme les drainages
miniers acides, où la quantité de matière
organique est moindre. Les bactéries indigènes capables de dégrader des
polymères peuvent donc jouer un rôle important dans le fonctionnement
de leurs communautés, en fournissant des sources carbonées simples et
facilement assimilables. Cette fonction doit pouvoir être conservée
lorsque les conditions environnementales changent, c'est à dire lorsque
la structure de la communauté varie.
Les chercheurs du laboratoire GMGM ont isolé une souche appartenant au genre Paenibacillus dans le drainage minier acide
de Carnoulès dans le Gard. Avec l'aide du LiPHT, ils ont montré que
cette souche est capable de résister à d'importantes variations de pH
(de 3 à 9) ou de concentration en arsenic (de 0 à 1 800 mg/L). Une
approche fonctionnelle
leur a ensuite permis de mettre en évidence son aptitude à dégrader
efficacement deux types de polymères, l'amidon et le xylane, dans une
large gamme de pH (de 4 à 10) et de concentration en arsenic (de 0 à 750
mg/L).
Grâce à une analyse des produits de dégradation sur les extraits bruts
par PACE (Polysaccharide analysis using carbohydrate gel
electrophoresis), les chercheurs ont également démontré le caractère
constitutif de l'expression des gènes de dégradation de l'amidon et le
caractère inductible des gènes de dégradation du xylane. Enfin, le
criblage fonctionnel d'une banque d'ADN de la souche nouvellement isolée
leur a permis de caractériser certains des gènes responsables de ces
dégradations. De façon inattendue, l'un d'entre eux code pour une
protéine de fonction inconnue, qui ne possède aucun domaine catalytique
connu.
Cette étude illustre pour la première fois le rôle central d'une bactérie cultivée dans la dégradation de la matière organique complexe au sein d'un drainage minier acide.
Les métabolites résultants de la dégradation sont utilisés par la
communauté bactérienne afin d'assurer son bon fonctionnement et
d'augmenter sa résilience. La souche de Paenibacillus qui a été
identifiée semble donc cruciale dans l'équilibre de cette communauté,
non seulement parce qu'elle apporte des éléments nutritifs simples, mais
aussi et surtout parce qu'elle conserve sa capacité à dégrader les
polymères suite à des changements considérables de son environnement.
Plus globalement, ces travaux suggèrent l'importance du rôle assuré par
les bactéries polymères-dégradantes dans des sites oligotrophes. Ils
ouvrent également à un écosystème inexploré, le champ
d'étude d'enzymes d'intérêt industriel et/ou médical aux propriétés
insoupçonnées, les drainages miniers acides pouvant maintenant être
considérés comme un nouveau réservoir de gènes.
Référence: Deciphering the role of Paenibacillus strain Q8 in the organic matter
recycling in the acid mine drainage of Carnoulès, François Delavat,
Vincent Phalip, Anne Forster, Marie-Claire Lett, Didier Lièvremont,
Microbial Cell Factories (2012), doi:10.1186/1475-2859-11-16.