Isabelle Mallet

Il y a peu, des chercheurs américains ont de nouveau remis en question l'intérêt de consommer de la viande quotidiennement. Selon eux, en manger trop pourrait en effet augmenter le risque de mortalité. Une conclusion sur laquelle a voulu revenir notre chroniqueuse nutritionniste Isabelle Mallet alors que se tenait hier la Journée mondiale sans viande.

"Le point intéressant de cette étude est la taille de l’échantillon, près de 121.400 personnes observé sur 20 ans, ce qui est loin d'être négligeable. Or, les auteurs de l’étude concluent : "avoir constaté qu'une consommation régulière de viande rouge entraînait un risque élevé de mortalité par maladies cardiovasculaires et par cancer". Ce risque serait encore plus élevé "avec de la viande transformée", catégorie qui inclut notamment le bacon, les saucisses et le salami. Le risque de mortalité s'élèverait alors à 20%. Mais que dire des portions de viande consommées par les Américains...

Alors, avant d’appliquer les conclusions de cette étude à notre consommation française, il est important de relativiser ces résultats à la lumière de l’état réel de consommation de viande en France. Petit tour d’horizon : selon l'enquête INCA2 du CREDOC, les Français mangent de la viande de bœuf en moyenne 2 fois par semaine et notre consommation de viande de boucherie (boeuf, veau, agneau, porc et viande chevaline) est de 54,5 grammes par jour en moyenne dont 31 grammes de bœuf.

L’autre constat important est que c’est le sexe masculin qui l’emporte avec une consommation quotidienne de viande plus forte pour eux de 67 grammes contre 43 grammes chez la femme. Mais attention, dans cette moyenne il est important de regarder la proportion des petits consommateurs de viande, ils représentent 48% de la population contre 27% de gros consommateurs. C’est donc à ces 27% de gros mangeurs de viande qui dépassent les 500 grammes consommés par semaine (soit 71,5 grammes quotidien) que doivent se tourner les conseils de diminution et surtout de façon plus globale, le rééquilibrage de l’alimentation.

Des carences chez les petits consommateurs

Les petits mangeurs, eux, en sont à moins de 225 grammes de viande dans la semaine et sont plutôt des femmes, de jeunes adultes et de jeunes seniors. Mais ces consommateurs n’ont pas une couverture optimale de leurs besoins en fer (pour lutter contre la fatigue et l’anémie) et en vitamine B121 (entretien des cellules nerveuses). Alors encourager toute la population de baisser son apport de viande n’a pas de sens nutritionnel pour ces petits consommateurs déjà en carence et qui sont de plus, bien souvent les plus réceptifs à ce type de messages nutritionnels.

Il est donc très important, avant toute chose, de faire un point sur sa réelle consommation de viande avant de penser à baisser sa place dans l’alimentation. Il est encore plus important de penser à varier les sources en choisissant les morceaux les moins gras. Petits rappels, la viande apporte tout de même d’excellentes protéines qui participent à la construction et l’entretien des muscles, du squelette… Elle permet de compléter les apports en fer, et vitamines du groupe B, sans oublier le zinc et le sélénium. Pour finir, une viande est en France consommée avec des féculents et/ou des légumes, elle participe donc à maintenir une variété dans l’assiette.

Avez-vous suivi la journée sans viande ? Pour ma part, je la recommanderais uniquement aux gros consommateurs de viande. Pour les autres, je suis plutôt partisane de leur demander de varier les sources et apprendre à choisir les meilleures morceaux. Et pour conclure sur mon mot d’ordre préféré : de la variété !"