Source: Yvon Larose - Université Laval

Une expérience menée à bord de la Station spatiale internationale sur des semis d'épinette confirmerait que la gravité, sur Terre, influence la capacité de certains gènes à produire des protéines.

Trente jours. C'est le temps qu'a duré une expérience très particulière en génétique forestière, au printemps 2010, sous la direction du professeur associé Jean Beaulieu, du Département des sciences du bois et de la forêt de l'Université Laval. Pendant un mois, 18 semis d'épinette blanche canadienne ont poussé en apesanteur, dans un environnement contrôlé, à bord de la Station spatiale internationale. Toutefois, le manque de disponibilité de la navette spatiale américaine a retardé de presque un an le retour sur Terre des têtes et des racines des semis, conservés au froid après l'expérience.

Selon le professeur Beaulieu, également chercheur au Centre canadien sur la fibre de bois, l'attente en a valu la peine. "Nous avons analysé 27 gènes, explique-t-il, et les résultats confirment notre hypothèse de départ. La gravité terrestre influence la capacité de certains gènes à produire les acides aminés qui deviennent des protéines."

Un gros travail d'équipe

L'expérience avait comme objectif d'étudier les effets de l'absence de gravité sur la croissance des arbres et sur la génétique de la formation du bois. Sa réalisation a nécessité la participation de l'Agence spatiale canadienne et de la NASA, de l'Université Laval et de Ressources naturelles Canada. Les échantillons recueillis à la suite de l'expérience comprenaient également des semis témoins, aux fins de comparaison, ayant poussé sur Terre dans des conditions similaires.

Après la décongélation, Jean Beaulieu et son collègue John Mackay ont analysé le matériel de bonne qualité dans le laboratoire de ce dernier au pavillon Charles-Eugène-Marchand. "Nous nous sommes concentrés sur les aiguilles et la tête des semis, indique le professeur-chercheur. Nous n'avons pas observé de différences appréciables sur le plan de l'apparence des têtes et des aiguilles. Sur Terre comme dans l'espace, elles avaient poussé de 8 à 10 centimètres environ."

Sur le plan de la génétique, les analyses comparées avec les semis ayant poussé sur Terre ont démontré que plus de la moitié des 27 gènes exposés à la microgravité présentaient des différences notables. "Quatorze d'entre eux ont produit une plus grande quantité de protéines, souligne Jean Beaulieu. L'un d'eux est connu pour son rôle dans le processus d'élongation des plantes. Son activité plus grande nous amène à penser que si l'expérience avait duré plus longtemps dans l'espace, la croissance y aurait été supérieure à celle observée sur Terre."

Le professeur associé Danny Rioux, un autre collègue de Jean Beaulieu, a pour sa part effectué des coupes histologiques des tissus. "Nous avons principalement observé que certains éléments présents dans les cellules des tissus analysés avaient sédimenté dans les semis qui ont poussé sur Terre et non dans ceux qui ont poussé en apesanteur", précise le professeur Beaulieu. Selon lui, les différences d'expression des gènes ainsi que les différences histologiques observées indiquent clairement que les arbres, sur Terre, réagissent à la gravité. "Ces observations très intéressantes sur le plan fondamental, poursuit-il, devraient permettre de mieux comprendre les effets de la gravité sur les arbres."

L'étape suivante de son projet de recherche consistera à savoir si toutes les épinettes blanches réagissent de la même façon à la gravité. "Si certains arbres réagissent différemment, dit-il, on pourrait utiliser cette information pour mettre au point des variétés d'arbres qui produiraient un bois de meilleure qualité."