Source: CNRS

Deux équipes du CNRS et de l'Université de Strasbourg, menées par Nicolas Giuseppone (1) et Bernard Doudin (2), ont réussi à fabriquer des fibres plastiques fortement conductrices, de quelques nanomètres d'épaisseur. Ces nano-fils, qui font l'objet d'un brevet déposé par le CNRS, se construisent "tout seuls" sous la seule action d'un flash lumineux ! Peu coûteux à obtenir et faciles à manipuler contrairement aux nanotubes de carbone (3), ils allient les avantages des deux matériaux utilisés à ce jour pour conduire le courant électrique : les métaux et les polymères organiques plastiques (4).

En effet, leurs remarquables propriétés électriques sont proches de celles des métaux. De plus, ils sont légers et souples comme les plastiques. De quoi relever l'un des plus importants défis de l'électronique du 21e siècle: miniaturiser ses composants jusqu'à l'échelle nanométrique. Ces travaux ont été publiés le 22 avril 2012 dans l'édition en ligne avancée de la revue Nature Chemistry. Prochaine étape: démontrer que ces fibres peuvent être intégrées industriellement dans des appareils électroniques comme les écrans souples, les cellules solaires, etc.

Lors de précédents travaux publiés en 2010 (5), Nicolas Giuseppone et ses collègues étaient parvenus à obtenir pour la première fois des nano-fils. Pour ce faire, ils avaient modifié chimiquement des molécules de synthèse utilisées depuis plusieurs dizaines d'années dans l'industrie pour le processus de photocopie Xerox®: les "triarylamines". A leur grande surprise, ils avaient observé qu'à la lumière et en solution, leurs nouvelles molécules s'empilaient spontanément de manière régulière pour former des fibres miniatures. Ces fils longs de quelques centaines de nanomètres (1 nm = 10^-9 m, soit un milliardième de mètre), sont constitués par l'assemblage dit "supramoléculaire" de plusieurs milliers de molécules.

Les chercheurs ont ensuite étudié en détail, en collaboration avec l'équipe de Bernard Doudin, les propriétés électriques de leurs nano-fibres. Cette fois-ci, ils ont mis leurs molécules en contact avec un microcircuit électronique comportant des électrodes en or séparées de 100 nm. Puis ils ont appliqué un champ électrique entre celles-ci.

Premier résultat important: sous l'action d'un flash lumineux, les fibres se construisent uniquement entre les électrodes. Seconde donnée surprenante: ces structures aussi légères et flexibles que les plastiques se sont révélées capables de transporter des densités de courant extraordinaires, supérieures à 2.10^6 Ampère par centimètre carré (A.cm-2), approchant celles des fils de cuivre. Cela, avec des résistances d'interfaces avec les métaux (6) très faibles: 10 000 fois inférieures à celle des meilleurs polymères organiques actuels.

Désormais, l'objectif des chercheurs est de démontrer que leurs fibres peuvent être intégrées industriellement dans des appareils électroniques miniaturisés tels que les écrans souples, cellules solaires, transistors, nano-circuits imprimés, etc.

Notes: (1) Institut Charles Sadron (CNRS).
(2) Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (CNRS / Université de Strasbourg).
(3) Tubes creux en carbone d'un diamètre de l'ordre du nanomètre (1 nm = 10^-9 m), dotés de propriétés électriques, mécaniques et thermiques remarquables laissant entrevoir de nombreuses applications dans le domaine de la microélectronique.
(4) Très grandes molécules organiques, c'est-à-dire d'origine pétrolière ou vivante, et contenant principalement du carbone et de l'hydrogène.
(5) The Hierarchical Self-Assembly of Charge Nanocarriers: A Highly Cooperative Process Promoted by Visible Light ; Giuseppone, N. et co. Angew. Chem. Int. Ed. 2010, 49, 6974-78
(6) Grandeur caractérisant la "force" avec laquelle le conducteur s'oppose au passage du courant.

Référence: Light-triggered Self-construction of Supramolecular Organic Nanowires as Metallic Interconnects. Vina Faramarzi, Frédéric Niess, Emilie Moulin, Mounir Maaloum, Jean-François Dayen, Jean-Baptiste Beaufrand, Silvia Zanettini, Bernard Doudin, and Nicolas Giuseppone. Nature Chemistry, En ligne le 22 avril 2012 (DOI: 10.1038/NCHEM.1332)