Du biocarburant plus économique à partir du bois ?
Par Benje le dimanche, juin 17 2012, 18:03 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Illustration: Wikipédia / Hans "Spone" Lemuet
Le bois est une source de produits chimiques et de biocarburants qui
pourraient, dans une certaine mesure, contribuer à réduire notre
dépendance aux hydrocarbures fossiles. Cependant la production de
biocarburants à partir du bois (éthanol notamment) est coûteuse en énergie.
Des chercheurs d'Imperial College London ont démontré qu'ajouter un peu
de certains lubrifiants durant les processus de transformation du bois
en biocarburants, pourrait générer d'importantes économies d'énergie, et
rendre la chimie verte, plus verte. Leurs résultats ont été publiés dans le journal Green Chemistry début mars.
L'une des étapes les plus énergivores dans l'extraction des composés
chimiques du bois et la production de l'éthanol, est le broyage, lorsque
les troncs d'arbre sont réduits en une soupe de fines particules de
bois baignant dans divers produits chimiques. Cela a lieu dans des
broyeurs industriels qui fonctionnent un peu à la manière d'un moulin à café géant.
Les scientifiques d'Imperial College au Royaume Uni ont montré que cette étape clef
peut être rendue jusqu'à 80% plus efficace énergétiquement, simplement
en utilisant les propriétés lubrifiantes de certains fluides appelés
solvants ioniques. A terme, le coût de production d'un litre de biocarburant pourrait être réduit de 3 p (environ 5 centimes d'euro), soit 10% de son coût actuel de fabrication. En effet, broyer une tonne de biomasse
coûte environ 8 £ et cette méthode réduirait la facture (largement
énergétique) de 80%, soit 6,40 £ la tonne. De chaque tonne, il est
possible de produire environ 200 litres d'éthanol. On obtient ainsi
environ 3 p d'économisé par litre.
Traiter les grumes de bois avec des solvants ioniques n'est pas
entièrement nouveau. Mais cette étude permet pour la première fois de
comprendre comment ces solvants agissent. En effet, les scientifiques
pensaient, jusqu'à présent, que les solvants affaiblissaient simplement
les fibres
du bois, alors qu'il semble que leur action consiste principalement en
la lubrification des frottements entre copeaux de bois lorsqu'ils sont
dans le broyeur. Cette compréhension plus fine du phénomène à l’œuvre
ouvre la voie à une optimisation de cette action lubrifiante à l'échelle
industrielle, avec des économies importantes à la clef.
L'auteur principal de cette étude, le Dr Agnieszka Brandt, du
département de chimie d'Imperial College, précise: "le bois est une
véritable mine de composés chimiques précieux enfermés dans un coffre
fort que nous devons ouvrir avant de pourvoir utiliser ces divers
composés. Casser les grumes en une fine poudre
aide à accéder à ces composés chimiques, mais il faut un procédé très
efficace énergétiquement pour le rendre durable. Nous savions par nos
recherches antérieures que les solvants ioniques augmentent cette efficacité énergétique,
mais nous avons été surpris de découvrir qu'encore plus d'énergie peut
être économisée en tirant bénéfice de leurs propriétés lubrifiantes."
Les produits dits verts, issus de la biomasse, sont souvent regardés
comme une alternative durable aux hydrocarbures fossiles et à leurs
dérivés, dont sont produits de nombreux objets de notre quotidien. Les
arbres, en particulier les espèces à croissance rapide comme le saule ou
le pin,
ont le potentiel de devenir une source non négligeable de biocarburants
et la base pour produire des composés chimiques comme la vanilline
(l'arôme de vanille), des huiles ou encore des plastiques, comme le
polystyrène ou les polyesters (utilisés pour les bouteilles).
Pour relever le défi de la chimie verte à grande échelle, les scientifiques cherchent à minimiser l'impact sur l'environnement
de chacune des étapes du processus de transformation, de la gestion
durable des forêts à la gestion des résidus et déchets en passant par la
façon dont ils sont transportés. Tom Welton, directeur du département
de chimie d'Imperial College et impliqué dans l'étude, conclut: "alors
que nos réserves pétrochimiques s'amenuisent rapidement et que nous nous
tournons vers d'autres sources d'énergie et de matières premières pour
couvrir nos besoins, nous avons l'opportunité de créer ces nouvelles
industries d'une façon durable. C'est une opportunité que nous ne
pouvons pas nous permettre de manquer."