Source: BE Royaume-Uni numéro 115 (30/05/2012) - Ambassade de France au Royaume-Uni / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/ ... /70123.htm
Illustration: Wikipédia / Hans "Spone" Lemuet

Le bois est une source de produits chimiques et de biocarburants qui pourraient, dans une certaine mesure, contribuer à réduire notre dépendance aux hydrocarbures fossiles. Cependant la production de biocarburants à partir du bois (éthanol notamment) est coûteuse en énergie. Des chercheurs d'Imperial College London ont démontré qu'ajouter un peu de certains lubrifiants durant les processus de transformation du bois en biocarburants, pourrait générer d'importantes économies d'énergie, et rendre la chimie verte, plus verte. Leurs résultats ont été publiés dans le journal Green Chemistry début mars.

L'une des étapes les plus énergivores dans l'extraction des composés chimiques du bois et la production de l'éthanol, est le broyage, lorsque les troncs d'arbre sont réduits en une soupe de fines particules de bois baignant dans divers produits chimiques. Cela a lieu dans des broyeurs industriels qui fonctionnent un peu à la manière d'un moulin à café géant.

Les scientifiques d'Imperial College au Royaume Uni ont montré que cette étape clef peut être rendue jusqu'à 80% plus efficace énergétiquement, simplement en utilisant les propriétés lubrifiantes de certains fluides appelés solvants ioniques. A terme, le coût de production d'un litre de biocarburant pourrait être réduit de 3 p (environ 5 centimes d'euro), soit 10% de son coût actuel de fabrication. En effet, broyer une tonne de biomasse coûte environ 8 £ et cette méthode réduirait la facture (largement énergétique) de 80%, soit 6,40 £ la tonne. De chaque tonne, il est possible de produire environ 200 litres d'éthanol. On obtient ainsi environ 3 p d'économisé par litre.

Traiter les grumes de bois avec des solvants ioniques n'est pas entièrement nouveau. Mais cette étude permet pour la première fois de comprendre comment ces solvants agissent. En effet, les scientifiques pensaient, jusqu'à présent, que les solvants affaiblissaient simplement les fibres du bois, alors qu'il semble que leur action consiste principalement en la lubrification des frottements entre copeaux de bois lorsqu'ils sont dans le broyeur. Cette compréhension plus fine du phénomène à l’œuvre ouvre la voie à une optimisation de cette action lubrifiante à l'échelle industrielle, avec des économies importantes à la clef.

L'auteur principal de cette étude, le Dr Agnieszka Brandt, du département de chimie d'Imperial College, précise: "le bois est une véritable mine de composés chimiques précieux enfermés dans un coffre fort que nous devons ouvrir avant de pourvoir utiliser ces divers composés. Casser les grumes en une fine poudre aide à accéder à ces composés chimiques, mais il faut un procédé très efficace énergétiquement pour le rendre durable. Nous savions par nos recherches antérieures que les solvants ioniques augmentent cette efficacité énergétique, mais nous avons été surpris de découvrir qu'encore plus d'énergie peut être économisée en tirant bénéfice de leurs propriétés lubrifiantes."

Les produits dits verts, issus de la biomasse, sont souvent regardés comme une alternative durable aux hydrocarbures fossiles et à leurs dérivés, dont sont produits de nombreux objets de notre quotidien. Les arbres, en particulier les espèces à croissance rapide comme le saule ou le pin, ont le potentiel de devenir une source non négligeable de biocarburants et la base pour produire des composés chimiques comme la vanilline (l'arôme de vanille), des huiles ou encore des plastiques, comme le polystyrène ou les polyesters (utilisés pour les bouteilles).

Pour relever le défi de la chimie verte à grande échelle, les scientifiques cherchent à minimiser l'impact sur l'environnement de chacune des étapes du processus de transformation, de la gestion durable des forêts à la gestion des résidus et déchets en passant par la façon dont ils sont transportés. Tom Welton, directeur du département de chimie d'Imperial College et impliqué dans l'étude, conclut: "alors que nos réserves pétrochimiques s'amenuisent rapidement et que nous nous tournons vers d'autres sources d'énergie et de matières premières pour couvrir nos besoins, nous avons l'opportunité de créer ces nouvelles industries d'une façon durable. C'est une opportunité que nous ne pouvons pas nous permettre de manquer."