Source: Jean Hamann - Université Laval

Elles pourraient pratiquer des brèches dans les parois des vaisseaux sanguins.

Une équipe de la Faculté de médecine de l'Université Laval vient de découvrir une fonction pour le moins inattendue des plaquettes sanguines. Ces éléments du sang, dont le rôle principal est de stopper les hémorragies, pourraient aussi pratiquer des brèches dans la paroi des vaisseaux sanguins. C'est ce que démontrent Nathalie Cloutier, Alexandre Paré, Steve Lacroix et Éric Boilard, du Centre de recherche du CHUQ, et leurs collègues américains Richard Farndale, Ralph Schumacher et Peter Nigrovic dans le dernier numéro de la revue scientifique Blood. Chose tout aussi étonnante, certains antidépresseurs pourraient contrecarrer cette fonction des plaquettes.

Les plaquettes interviennent dans la coagulation du sang et elles assurent l'imperméabilité des vaisseaux sanguins, prévenant les fuites de la fraction liquide du sang vers les tissus. Toutefois, elles semblent incapables d'assurer cette fonction chez les personnes souffrant d'arthrite rhumatoïde. En effet, les vaisseaux sanguins des articulations de personnes qui souffrent de cette maladie laissent filtrer du liquide et des microparticules produites par les plaquettes sanguines dans les articulations, ce qui entraînerait de l’œdème et favoriserait l'inflammation.

Afin d'élucider la cause de ces fuites, les chercheurs ont injecté des microsphères fluorescentes de différents diamètres dans la circulation sanguine de souris normales et de souris atteintes d'arthrite rhumatoïde. Par imagerie médicale, ils ont démontré que la fluorescence se fraie un chemin jusqu'aux articulations des souris malades uniquement. C'est en empruntant des brèches créées dans la paroi des vaisseaux sanguins que les microsphères sortent de la circulation sanguine (voir http://stevelacroix.crchuq.ca/support-visuel.php). "La taille maximale de ces brèches est d'environ 1 micron, ce qui est suffisant pour permettre le passage des microparticules produites par les plaquettes", souligne le chercheur Éric Boilard.

Lorsque les chercheurs ont répété l'expérience avec des souris dépourvues de plaquettes, ils ont eu la surprise de constater que les parois des vaisseaux sanguins avaient retrouvé leur étanchéité. Une série d'expériences leur a permis de mettre en lumière le rôle de la sérotonine, une hormone fabriquée par la muqueuse gastro-intestinale, mais stockée dans les plaquettes, dans la création de ces brèches. Lorsque le stockage de sérotonine par les plaquettes est bloqué à l'aide de l'antidépresseur Prozac, aucune brèche n'apparaît dans les vaisseaux sanguins des souris.

De là à penser que cette classe d'antidépresseurs pourrait servir à traiter l'arthrite rhumatoïde, il n'y a qu'un pas que refuse de franchir le professeur Boilard. "On ne sait pas si l'inflammation et la douleur seraient moindres s'il n'y avait pas d'épanchement de fluide sanguin et de microparticules dans l'articulation. Néanmoins, c'est une piste qui vaudrait la peine d'être explorée", estime le chercheur.