Les membranes, matériaux poreux utilisés notamment pour filtrer des liquides, constituent un marché en pleine croissance. Pourtant, leur conception peut encore espérer d'importantes améliorations. S'inspirant des membranes cellulaires, des chercheurs de l'Institut européen des membranes (CNRS / ENSCM / Université Montpellier 2), en collaboration avec l'Institut de chimie radicalaire (CNRS / Aix-Marseille Université) ont développé la première membrane dynamique pour la filtration de l'eau. En fonction de la pression de l'eau, celle-ci peut ajuster de façon autonome la taille de ses pores. De plus, elle est capable de s'auto-réparer en cas de défaillance, ce qui augmente sa durée de vie et renforce la sécurité sanitaire du produit filtré. Ces recherches viennent d'être publiées dans la revue Angewandte Chemie.

Les membranes, qu'elles soient constituées de céramiques ou de polymères, font l'objet de très nombreuses applications, notamment dans l'industrie pharmaceutique et agroalimentaire. Servant aussi à la "potabilisation" et à la désalinisation de l'eau, leur marché connaît une croissance de 10% par an. Les membranes utilisées jusqu'à présent sont des structures figées: la taille des pores ne peut pas être ajustée. De plus, elles peuvent subir des déchirements qui ne sont pas détectés immédiatement, ce qui pose des problèmes de sécurité sanitaire.

En s'inspirant des membranes cellulaires, les chercheurs ont mis au point un nouveau type de filtre: une membrane dynamique dont on peut faire varier la taille des pores en fonction de la pression de l'eau qui les traverse. Celle-ci est constituée d'une association de trois polymères de solubilité différente. Ceux-ci forment des micelles, des nanoparticules en constante interaction les unes avec les autres. Jusqu'à une certaine pression, lorsque la force de l'eau augmente, ces micelles ont tendance à s'aplatir, et donc, à réduire la taille des pores dont la membrane est parsemée. Ainsi, à une faible pression de l'ordre de 0,1 bar, la taille des pores est d'environ 5 nanomètres (1), ce qui permet de filtrer des macromolécules ou des virus. En augmentant modérément la pression, on obtient des pores de l'ordre de 1 nanomètre qui barrent le passage aux sels, colorants et tensioactifs. Mais si l'on augmente la pression jusqu'à 5 bars, un changement drastique de la morphologie de la membrane se produit et les pores atteignent plus de 100 nanomètres de diamètre, ce qui permet de filtrer les bactéries ou les particules en suspension. Cette propriété unique permettra aux utilisateurs de ne recourir qu'à un seul type de membrane pour tous leurs besoins en filtration.

Mais ce n'est pas tout: ces filtres dynamiques de 1,3 micromètre d'épaisseur sont capables de s'auto-réparer. Si la membrane se fissure, l'équilibre physique qui lie les micelles entre elles est rompu. Celles-ci cherchent alors à rétablir cet équilibre et se réorganisent de façon à combler la fissure. Une perforation d'une taille 85 fois plus grande que l'épaisseur de la membrane peut ainsi être réparée sans intervention humaine et sans l'arrêt de l'opération de filtration. Cette capacité d'auto-réparation permettra à la fois de prolonger la durée de vie des membranes et d'augmenter les garanties de sécurité sanitaire.