Un petit ARN qui contrôle la production des neurones à dopamine
Par Benje le lundi, juillet 2 2012, 23:11 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS-INSB
Le microARN-7a se trouve à l'origine de la régionalisation des cellules
souches dans les parois ventriculaires du cerveau adulte. Sa présence
dans les cellules souches latérales empêche l'expression d'une protéine
essentielle à la fabrication des neurones dopaminergiques, laissant
ainsi cette spécificité aux cellules souches dorsales. En modulant l'activité
de ce microARN, il est alors envisageable de générer des neurones à
dopamine pouvant remplacer ceux qui dégénèrent au cours de la maladie de
Parkinson. Ces résultats prometteurs, obtenus par l'équipe d'Harold
Cremer à l'Institut de biologie du développement de Marseille Luminy
(IBDML, CNRS/Université Aix-Marseille), ont été publiés dans la revue Nature Neuroscience.
Deux régions du cerveau connaissent un renouvellement neuronal tout au long de la vie: le bulbe olfactif, impliqué dans l'olfaction, et l'hippocampe, impliqué dans la mémoire
et l'apprentissage. Au cours de la neurogenèse olfactive, les cellules
souches situées sur les parois des ventricules cérébraux génèrent
différents types de neurones, qui migrent sur une longue distance pour
coloniser le bulbe olfactif et jouent un rôle important dans la
perception des odeurs. Cette diversité neuronale est due à l'existence
d'une variété de cellules souches au destin prédéterminé. Les cellules
souches de la paroi ventriculaire dorsale produisent par exemple des
neurones libérant de la dopamine, alors que les cellules souches de la
paroi latérale des ventricules génèrent des neurones à GABA, un neurotransmetteur inhibiteur bien connu.
Les chercheurs de l'IBDML ont étudié la régulation
de cette régionalisation des cellules souches à l'échelle moléculaire.
En travaillant sur des souriceaux, ils ont montré que l'expression de la
protéine Pax6, essentielle à la production des neurones à dopamine, est
restreinte aux cellules souches dorsales dans les parois
ventriculaires. De manière très surprenante, ils ont observé que le gène
Pax6 était pourtant transcrit dans les cellules souches des parois
latérales, démontrant ainsi qu'une régulation post-transcriptionnelle
vient se surimposer à la régulation transcriptionnelle classique afin
d'empêcher la traduction de Pax6 en protéine active dans ces cellules.
Les scientifiques ont alors démontré que c'est un petit ARN non traduit,
enrichi dans les cellules souches latérales et appelé "microARN-7a",
qui permet la restriction de Pax6 dans les cellules souches dorsales, en
se liant à l'ARN messager de Pax6 et en inhibant ainsi sa traduction en
protéine dans les cellules latérales. Ce résultat a été obtenu en
utilisant la technique d'électroporation in vivo, qui permet de faire
entrer tout type de matériel génétique dans les cellules souches
dorsales ou latérales, et des méthodes modernes de séquençage
développées par la plate-forme transcriptomique de l'Institut de
pharmacologie moléculaire et cellulaire (IPMC, CNRS/Université Nice
Sophia Antipolis) dirigé par Pascal Barbry. Les chercheurs ont ensuite
mis en évidence que le blocage génétique du microARN-7a dans les
cellules souches latérales suffisait à y induire l'expression de Pax6 et
à changer leur destin, en leur faisant produire des neurones à
dopamine.
Cette régulation post-transcriptionnelle ajoute un niveau de complexité
à la régionalisation des cellules souches dans le cerveau adulte et
permet un réglage extrêmement fin de l'expression des gènes entre
cellules voisines. Dans une perspective thérapeutique, il est très
intéressant d'observer que la modulation d'un seul petit ARN non traduit
suffit à augmenter la production de neurones dopaminergiques ayant un
potentiel de remplacement cellulaire dans le contexte
de la maladie de Parkinson. En effet, les neurones à dopamine olfactifs
ne sont pas affectés chez les patients parkinsoniens et présentent des
caractéristiques similaires aux neurones qui dégénèrent au fil de la
maladie, comme la libération spontanée de dopamine. Ces neurones à
dopamine pourraient donc être remplacés par leurs précurseurs des parois
ventriculaires, dont le nombre peut largement être augmenté par inhibition du microARN-7a.