Les neurosciences s'intéressent depuis longtemps aux mécanismes qui gouvernent et modulent la prise de décision. L'influence de la perte d'argent, un événement érigé à l'ère de l'hyper-capitalisme contemporain comme hautement dommageable, a été étudiée sur la prise de décision. De manière surprenante, ses effets sur la perception sensorielle restent peu explorés. Or, une prise de décision optimale ne peut s'opérer sans une intégration des informations sensorielles qui irradient le sujet durant l'élaboration d'une décision.

Le groupe dirigé par le Dr. Rony Paz au département de neurobiologie de l'Institut Weizmann (Rehovot, Israël) vient de montrer dans une étude parue en avril dans la revue scientifique Journal of Neuroscience que l'association d'un stimulus sonore chez un sujet humain placé dans un contexte où il perd de l'argent modifie la perception auditive de cette personne. Les sujets ont été invités à écouter une série de tonalités composées de différentes notes. Après avoir entendu une seule note les sujets sont informés d'un gain d'argent puis après une seconde note on leur annonce une perte. Enfin à la troisième note l'information transmise aux personnes et que le budget n'est pas altéré. Les résultats montrent que la détection auditive est améliorée lorsqu'il y a gain ou aucune perte mais qu'elle se détériore lors de la perte d'argent.

La perte d'argent aurait pour effet de réduire la sensibilité sonore et d'augmenter le seuil de détection auditive. Plus intéressant, seule la perte d'argent (et non un gain) est capable d'induire de telles modifications négatives. Les auteurs montrent que cet effet sur la perception perturbe la décision à venir. L'utilisation de l'imagerie fonctionnelle à résonance magnétique (IRMf) a permis d'identifier des groupes de neurones dont l'activité évolue avec la détérioration de la sensibilité auditive.

En principe, une réduction de la discrimination peut être bénéfique dans un scénario de "perte" car permet d'assurer au sujet de répondre de manière plus rapide, plus précise et moins parasitée par des entrées sensorielles. Répondre "du tac au tac", en quelque sorte aux stimuli qui ressemblent au stimulus d'origine. Cette simplification du "pipeline" décisionnel est positive lorsqu'il s'agit de fuir la présence d'un danger (situations qui met en jeu la survie de l'individu). En revanche, dans notre société moderne, ce mécanisme conduit à une mauvaise prise de décision. En effet une perte d'argent peut mettre en péril la survie de l'individu... mais de manière indirecte. La perte d'argent n'ayant jamais été reliée à une réduction des fonctions vitales ou à la mort subite d'un individu.

Il paraît toutefois intéressant de se poser la question de l'intégrité mais aussi de la réorganisation des processus décisionnels chez les traders qui en périodes de crise économique font plus souvent l'expérience de pertes que de gains...