Perdre de l'argent perturbe nos sens et altère la prise de décision
Par Benje le jeudi, juillet 5 2012, 22:20 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Les neurosciences s'intéressent depuis longtemps aux mécanismes qui
gouvernent et modulent la prise de décision. L'influence de la perte
d'argent, un événement érigé à l'ère de l'hyper-capitalisme contemporain
comme hautement dommageable, a été étudiée sur la prise de décision. De
manière surprenante, ses effets sur la perception sensorielle restent
peu explorés. Or, une prise de décision optimale ne peut s'opérer sans
une intégration des informations sensorielles qui irradient le sujet
durant l'élaboration d'une décision.
Le groupe dirigé par le Dr. Rony Paz au département de neurobiologie de
l'Institut Weizmann (Rehovot, Israël) vient de montrer dans une étude
parue en avril dans la revue scientifique Journal of Neuroscience que l'association d'un stimulus sonore chez un sujet humain placé dans un contexte
où il perd de l'argent modifie la perception auditive de cette
personne. Les sujets ont été invités à écouter une série de tonalités
composées de différentes notes. Après avoir entendu une seule note les
sujets sont informés d'un gain d'argent puis après une seconde note on leur annonce une perte. Enfin à la troisième note l'information transmise aux personnes et que le budget
n'est pas altéré. Les résultats montrent que la détection auditive est
améliorée lorsqu'il y a gain ou aucune perte mais qu'elle se détériore
lors de la perte d'argent.
La perte d'argent aurait pour effet de réduire la sensibilité sonore et
d'augmenter le seuil de détection auditive. Plus intéressant, seule la
perte d'argent (et non un gain) est capable d'induire de telles
modifications négatives. Les auteurs montrent que cet effet sur la
perception perturbe la décision à venir. L'utilisation de l'imagerie fonctionnelle à résonance magnétique (IRMf) a permis d'identifier des groupes de neurones dont l'activité évolue avec la détérioration de la sensibilité auditive.
En principe, une réduction de la discrimination peut être bénéfique dans
un scénario de "perte" car permet d'assurer au sujet de répondre de
manière plus rapide, plus précise et moins parasitée par des entrées
sensorielles. Répondre "du tac au tac", en quelque sorte aux stimuli qui
ressemblent au stimulus d'origine. Cette simplification du "pipeline"
décisionnel est positive lorsqu'il s'agit de fuir la présence d'un
danger (situations qui met en jeu la survie de l'individu). En revanche,
dans notre société moderne, ce mécanisme conduit à une mauvaise prise
de décision. En effet une perte d'argent peut mettre en péril la survie
de l'individu...
mais de manière indirecte. La perte d'argent n'ayant jamais été reliée à
une réduction des fonctions vitales ou à la mort subite d'un individu.
Il paraît toutefois intéressant de se poser la question de l'intégrité
mais aussi de la réorganisation des processus décisionnels chez les
traders qui en périodes de crise économique font plus souvent
l'expérience de pertes que de gains...