Source: BE Italie numéro 105 (3/07/2012) - Ambassade de France en Italie / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/ ... /70452.htm

A ses débuts, notre espèce ne fut qu'à un pas de l'extinction: on estime qu'il y a entre 200.000 et 100.000 ans, la population humaine s'est effondrée à un nombre critique de 10.000 voire peut être 5.000 individus. Par la suite, il y a eu un boom démographique qui a permis à notre espèce de mieux se défendre et de coloniser le reste du monde à partir de l'Afrique.

Il existe de nombreuses hypothèses permettant d'expliquer l'état critique auquel est arrivée la population humaine de l'époque: développements culturels, tel que le langage, les changements climatiques, ou des événements naturels tels qu'une importante éruption volcanique. Une étude dirigée par un groupe internationale de biologistes et paléoanthropologues propose un nouveau facteur significatif: les maladies infectieuses. Cette étude a été publiée dans la revue Proceedings of National Academy of Sciences USA.

"Il y a environ 100.000 ans, une mutation entrainant la désactivation de deux gènes ayant une incidence sur le système immunitaire s'est diffusée au sein de notre espèce. Cette évolution a permis une meilleure protection contre certaines souches bactériennes comme Escherichia Coli K1 et des streptocoques du groupe B. Ces bactéries constituaient la principale cause de mortalité des fœtus et des nouveaux nés", explique Ermanno Rizzi, jeune chercheur de l'Institut de Technologies Biomédicales du Cnr (Centre national des recherches), qui a reçu du MIUR un financement sur projet pour conduire des recherches sur l'ADN antique grâce à l'utilisation de technologies de séquençage ultra-massif de dernière génération. L'équipe de recherche est composée de 13 personnes s'occupant à la fois de la partie expérimentale, de la bioinformatique du développement, et de l'application de la technologie "Next Generation Sequencing". Cette équipe, dirigée par Gianluca De Bellis, a été impliquée dans l'étude en tant que premier laboratoire italien à utiliser les technologies indispensables à ce projet.

"Nous avons découvert deux gènes qui ne sont plus fonctionnels chez les êtres humains, alors qu'ils le sont chez les primates les plus proches de nous, et qui auraient pu être la cible de bactéries pathogènes létales pour les nouveaux nés et les enfants", explique Rizzi. "La mort des plus petits peut avoir eu un impact significatif sur la capacité reproductive de notre espèce. La survie de l'espèce a pu être liée au développement d'une résistance au pathogène ou à l'élimination des protéines que le pathogène utilise pour prendre le dessus".

Les chercheurs pensent que c'est ce qui est arrivé chez nos ancêtres: la désactivation de deux récepteurs de l'acide sialique qui régulent les réponses immunitaires et qui font partie d'une grande famille de gènes aurait été très impliquée dans l'évolution humaine. Les chercheurs ont notamment découvert que le gène codant pour la protéine Siglec-13 ne fait plus partie de notre génome, alors qu'il est encore présent et fonctionnel chez les chimpanzés, nos cousins les plus proches. Le gène codant pour la protéine Siglec-17 s'exprime encore chez les êtres humains, mais a été légèrement modifié et détermine une protéine plus courte, sans aucune utilité pour les agents pathogènes.

L'étude a été coordonnée par l’École de Médecine de l'Université de Californie San Diego, et des équipes du Département de Biologie évolutionniste de l'Institut des technologies biomédicales du Cnr, dirigées par David Caramelli et Laura Longo (aujourd'hui responsable scientifique des Musées Communaux de Florence) y ont participé.