Notre espèce sauvée par une mutation génétique
Par Benje le mardi, juillet 10 2012, 23:55 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: BE Italie numéro 105 (3/07/2012) - Ambassade de France en Italie / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/ ... /70452.htm
A ses débuts, notre espèce ne fut qu'à un pas de l'extinction: on estime
qu'il y a entre 200.000 et 100.000 ans, la population humaine s'est
effondrée à un nombre critique de 10.000 voire peut être 5.000
individus. Par la suite, il y a eu un boom démographique qui a permis à
notre espèce de mieux se défendre et de coloniser le reste du monde à partir de l'Afrique.
Il existe de nombreuses hypothèses permettant d'expliquer l'état
critique auquel est arrivée la population humaine de l'époque:
développements culturels, tel que le langage, les changements
climatiques, ou des événements naturels tels qu'une importante éruption
volcanique. Une étude dirigée par un groupe internationale de
biologistes et paléoanthropologues propose un nouveau facteur
significatif: les maladies infectieuses. Cette étude a été publiée dans
la revue Proceedings of National Academy of Sciences USA.
"Il y a environ 100.000 ans, une mutation entrainant la désactivation de
deux gènes ayant une incidence sur le système immunitaire s'est
diffusée au sein de notre espèce. Cette évolution a permis une meilleure
protection contre certaines souches bactériennes comme Escherichia Coli
K1 et des streptocoques du groupe B. Ces bactéries constituaient la principale cause de mortalité des fœtus et des nouveaux nés", explique Ermanno Rizzi, jeune chercheur de l'Institut de Technologies Biomédicales du Cnr (Centre national des recherches), qui a reçu du MIUR un financement sur projet
pour conduire des recherches sur l'ADN antique grâce à l'utilisation de
technologies de séquençage ultra-massif de dernière génération.
L'équipe de recherche est composée de 13 personnes s'occupant à la fois de la partie expérimentale, de la bioinformatique du développement, et de l'application de la technologie "Next
Generation Sequencing". Cette équipe, dirigée par Gianluca De Bellis, a
été impliquée dans l'étude en tant que premier laboratoire italien à
utiliser les technologies indispensables à ce projet.
"Nous avons découvert deux gènes qui ne sont plus fonctionnels chez les
êtres humains, alors qu'ils le sont chez les primates les plus proches
de nous, et qui auraient pu être la cible de bactéries pathogènes
létales pour les nouveaux nés et les enfants", explique Rizzi. "La mort
des plus petits peut avoir eu un impact significatif sur la capacité
reproductive de notre espèce. La survie de l'espèce a pu être liée au
développement d'une résistance au pathogène ou à l'élimination des protéines que le pathogène utilise pour prendre le dessus".
Les chercheurs pensent que c'est ce qui est arrivé chez nos ancêtres: la désactivation de deux récepteurs de l'acide sialique
qui régulent les réponses immunitaires et qui font partie d'une grande
famille de gènes aurait été très impliquée dans l'évolution humaine. Les
chercheurs ont notamment découvert que le gène codant pour la protéine
Siglec-13 ne fait plus partie de notre génome, alors qu'il est encore
présent et fonctionnel chez les chimpanzés, nos cousins les plus
proches. Le gène codant pour la protéine Siglec-17 s'exprime encore chez
les êtres humains, mais a été légèrement modifié et détermine une
protéine plus courte, sans aucune utilité pour les agents pathogènes.
L'étude a été coordonnée par l’École de Médecine de l'Université
de Californie San Diego, et des équipes du Département de Biologie
évolutionniste de l'Institut des technologies biomédicales du Cnr,
dirigées par David Caramelli et Laura Longo (aujourd'hui responsable scientifique des Musées Communaux de Florence) y ont participé.