Catherine Bernard

On peut exploiter le vent, les marées, les vagues, les courants, la différence de température entre les grands fonds et la surface et même la différence de salinité dans les estuaires. Un problème: le coût.

Aller en mer pour produire de la chaleur, du froid, et de l'électricité? L'idée n'est pas neuve. Mais longtemps, elle est restée au stade expérimental. Comme la célèbre centrale marémotrice de la Rance. Depuis quelques années, cependant, certains pays -tel le Danemark- construisent de véritables «fermes» d'éoliennes en mer, que la France, du reste, se prépare à imiter.

Mais l'on n'en est encore qu'aux prémices! Les éoliennes marines, tout d'abord, ne sont encore que de frustres précurseurs de ce qui pourrait bien nous attendre dans quelques années: «Sans aucun doute, nous vivrons dans ce domaine la même évolution que celle traversée par l'exploitation pétrolière offshore: naguère, les plate-formes étaient "posées" sur le fond des mers; aujourd'hui, elles flottent», rappelait Bruno Mondesert, président D2M consultants lors d'un forum Innoveco. La prochaine génération d'éoliennes marines sera donc, selon toute vraisemblance, flottante, ce qui simplifiera leur installation et minimisera leur impact sur les fonds marins. Reste cependant à baisser leur centre de gravité et à concevoir des flotteurs économiques.

Si le vent, en mer, est plus régulier que sur terre, il ne constitue néanmoins que l'une des énergies marines: l'on peut aussi exploiter la force des marées (énergie marémotrice), celle des vagues (énergie houlomotrice), la force des courants (hydrolienne), la différence de température entre les grands fonds et la surface (énergie thermique des mers) et même la différence de salinité dans les estuaires.

Des énergies marines prévisibles

Certaines de ces énergies sont particulièrement intéressantes: même si elles ne sont pas toutes continues, la plupart d'entre elles sont en revanche parfaitement prévisibles. On peut par exemple prévoir la production qu'aura une hydrolienne alors que le rendement d'une éolienne est plus aléatoire. Selon Antoine Rabain, du cabinet de conseil Indicta, l'éolien marin aurait ainsi un rendement de 30%-35%, l'hydrolien et le houlomoteur de 40%-45%, et l'énergie thermique des mers de 80%-85%. 

Technologiquement parlant, les hydroliennes sont –après bien sûr les éoliennes– la technologie la plus mûre. Ainsi, EDF a déjà testé une hydrolienne de 16 mètres de diamètre dans la région de Paimpol-Bréhat, en Bretagne-Nord, et devrait installer le parc complet (4 turbines) en 2013. Elles devraient du reste constituer le principal moteur des EMR (énergies marines renouvelables) dans les années qui viennent.

Mais ensuite, le houlomoteur devrait prendre la relève. Même si, pour l'instant, les centrales houlomotrices ressemblent encore plutôt à des propotypes, même si certaines ont été mises en service, comme le Pélamis au Portugal (démonté depuis).

L'énergie thermique des mers est elle déjà exploitée ponctuellement, au Japon et à Hawai, pour des grandes climatisations. A Stockholm, tout un quartier est également climatisé grâce à un courant marin froid passant juste à côté. Le Français  Bruno Garnier, créateur de la start-up De Profondis, a cependant mis au point une technologie permettant de concevoir des installations de plus petite taille à des coûts raisonnables, environ 40% inférieurs.

Les atouts français

Si la France, avec ses immenses côtes bordant tant l'Hexagone que les DOM-TOM, bénéficie d'un grand potentiel énergétique, son industrie est aussi, a priori, bien placée. Car il ne s'agit pas seulement de convoquer les grands énergéticiens et leurs fournisseurs traditionnels (Alstom...), mais aussi de profiter du savoir-faire des chantiers navals civils et militaires (STX, DCNS… ). Et, last but not least, de toute la filière de l'offshore pétrolier, Technip en tête.

«Car il ne s'agit bien souvent pas d'innovations fondamentales, mais de la mise en commun des technologies pour une utilisation nouvelle et différente», estime Bruno Montdesert. C'est ainsi que la start-up EEL Energy développe en collaboration avec l'Ifremer un nouveau type d'hydroliennes, ressemblant plus à un tapis immergé qu'à une turbine traditionnelle.   

On peut distinguer quelques débuts de structuration: les pôles de compétitivité consacrés à la mer (en Bretagne et en Paca), qui regroupent, comme il se doit, grands groupes, PME et recherche, s'intéressent à ces problématiques. Vient de se créer également, sous l'impulsion du Grand emprunt, la plateforme France Energies Marines qui fédère les industriels, les instituts de recherches et les acteurs publics.

Cher, mais...

Bien entendu, les coûts de la plupart de ces technologies restent élevés, voire prohibitifs. Lorsque l'on peut déjà les estimer! Antoine Rabain pense que les coûts de production actuels sont, pour l'éolien posé, d'environ 120 euros du Mwh, et entre 150 et 200 euros pour l'éolien flottant (contre environ 80 pour l'éolien terrestre). Pour l'hydrolien, les coûts complets de productions atteindraient environ 200-220 euros du Mwh. L'énergie thermique des mers reste très onéreuse: de 250 à 400 euros du Mwh, calcule-t-il. D'ici à 2030, cependant, ces prix devraient avoir diminué, une majorité d'entre eux se situant entre 120 et 150 euros du Mwh ce qui, à cette période, devrait les rendre attractifs.

Mais d'ores et déjà, ces technologies sont intéressantes dans certains cas. Dans les îles notamment où, bien souvent, l'électricité est produite à partir de centrales thermiques (pétrole ou charbon) ou par des générateurs diesel. «Dans ces conditions, l'énergie thermique des mers est d'ores et déjà compétitive», assure-t-il. Par exemple à la Réunion, où la population est importante et où les fonds, en outre, plongent très vite, ce qui permettrait une exploitation du froid venu des abysses.

Car la distance des côtes reste un coût important s'il faut poser des câbles sous-marins. A moins qu'au lieu de systématiquement produire de l'électricité, l'on teste d'autres pistes: produire par exemple de l'hydrogène.