Des enfants ont été désensibilisés en recevant une petite dose de cet aliment augmentée progressivement.

Traiter l'allergie à l'œuf par l'œuf: une piste de guérison se dessine pour les enfants souffrant d'une intolérance à cet aliment très répandu. Une étude publiée jeudi dans le New England Journal of Medecine confirme que des enfants allergiques ayant reçu, de manière régulière et progressive, des petites doses de blanc d'œuf finissent par le supporter. «L'immunothérapie par voie orale est une opportunité majeure pour les enfants présentant une allergie alimentaire persistante», souligne le Dr Étienne Bidat, responsable de l'unité d'allergologie et de pneumologie du service de pédiatrie de l'hôpital Ambroise-Paré (Boulogne-sur-Seine).

L'allergie à l'œuf de poule est une des allergies alimentaires les plus courantes. Elle toucherait 2,5 % des enfants. Même si ses manifestations sont en général peu sévères (urticaire, eczéma, asthme, vomissements), le risque d'un choc anaphylactique existe. «La qualité de vie de ces enfants est très altérée, car l'œuf est partout: dans les gâteaux, les confiseries, les crèmes lactées, etc., souligne le Pr Anne Monneret-Vautrin, membre de l'Académie de médecine. Les familles doivent faire la chasse aux étiquettes. Il faut un protocole d'accueil individualisé et une trousse d'urgence pour aller à l'école. Tout cela crée une vraie angoisse

Pendant très longtemps, les médecins ont prescrit à ces enfants un régime d'éviction très strict, le plus large possible. «On ne donnait alors l'œuf ni cru, ni cuit, et sous aucune forme, indique le Dr Bidat. Mais on a fini par se rendre compte que les mécanismes de la tolérance passent par un contact avec l'aliment dans des quantités supportées

Une surveillance stricte

Il y a cinq ans environ, les services hospitaliers de pédiatrie et d'allergologie ont donc commencé à tester l'immunothérapie orale auprès de leurs jeunes patients, dont l'allergie (à l'œuf, la farine de blé ou au lait de vache) ne régressait pas naturellement. Faute d'étude prouvant son efficacité, cette méthode restait cependant difficile à généraliser. «Donner de l'œuf à un enfant allergique peut faire peur, souligne le Dr Annick Ponce-Guirot, dermato-allergologue. Le protocole doit avoir lieu sous la surveillance stricte d'un spécialiste aguerri à ce traitement.» L'étude du New England Journal of Medecine est donc très importante puisqu'elle vient conforter la pratique hospitalière et rassurer les parents. L'essai mené par des chercheurs américains portait sur 55 enfants, âgés de 5 à 11 ans, qui ont ingéré quotidiennement des petites doses de blanc d'œuf, sous forme de poudre. Les quantités ont été progressivement augmentées jusqu'à atteindre 2 g par jour, soit l'équivalent d'un tiers d'œuf. Résultat: après dix mois de thérapie, 55 % des enfants étaient désensibilisés. 75 % l'étaient après vingt-deux mois.

Selon le Pr Monneret-Vautrin, «même si l'allergie à l'œuf guérit en général de manière spontanée vers l'âge de 6 ans ou au plus tard à l'adolescence, ce traitement accélère la guérison». Parfois, elle n'est que partielle, mais le fait de pouvoir manger de l'œuf cuit, dans des gâteaux ou de la quiche, sans risquer d'accident, reste «un bénéfice énorme pour les familles», selon le Dr Bidat.