Percer les mystères de l'équilibre
Par Benje le jeudi, juillet 26 2012, 13:26 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Université McGill
Une nouvelle compréhension des mécanismes par lesquels le cerveau
traite les signaux sensoriels vestibulaires est source d'espoir pour
ceux qui souffrent du vertige.
Si vous ressentez des étourdissements lorsque vous marchez sur le bord d'une falaise,
alors vous pouvez comprendre les difficultés auxquelles sont
confrontées les personnes aux prises avec le syndrome vestibulaire. Pour
ces personnes, les activités de la vie quotidienne qui peuvent sembler
toutes simples (p. ex. se vêtir, se nourrir, se lever, se coucher, se
déplacer dans la maison
et à l'extérieur) représentent un réel défi, puisque les mouvements de
la tête s'accompagnent en général d'étourdissements et de nausées qui
sont susceptibles de provoquer une chute. Ce syndrome touche plus de 70
millions de Nord-Américains.
On sait depuis longtemps qu'un système sensoriel logé dans l'oreille interne (l'appareil vestibulaire) permet le maintien de l'équilibre en assurant la stabilité du champ
visuel pendant nos déplacements (p. ex. quand on marche). Même si nous
comprenons en général les mécanismes par lesquels le cerveau perçoit les
mouvements du corps, permettant aux neurones dans le cerveau de choisir
les signaux dont ils ont besoin pour assurer le maintien de l'équilibre.
Les mécanismes grâce auxquels le cerveau enregistre et décode
l'information qui lui est transmise par les neurones de l'oreille
interne sont complexes. Les neurones sensoriels vestibulaires
périphériques logés dans celle-ci transforment les stimuli provenant des
accélérations et des vitesses occasionnés par les mouvements que nous
effectuons lors d'interactions avec le monde extérieur (comme ceux qui se produisent lorsqu'une voiture quitte l'état stationnaire pour atteindre une vitesse
de 50km/h) en séries d'impulsions nerveuses. Ces neurones transmettent
au cerveau des renseignements détaillés sur ces stimuli (soit
l'information qui permet de déterminer comment ces derniers varient au
fil du temps)
Les scientifiques croyaient jusqu'à tout récemment que le cerveau
décodait cette information de façon linéaire et qu'il s'efforçait de
reproduire ces stimuli au fil du temps.
Toutefois, à l'aide de méthodes électro-physiologiques et informatiques,
Kathleen Cullen et Maurice Chacron, professeurs au Département de
physiologie de l'Université
McGill, ont démontré pour la première fois que les neurones des noyaux
vestibulaires cérébraux décodaient plutôt l'information de façon non
linéaire, puisqu'ils réagissent de préférence aux changements de stimuli
soudains et imprévus.
On sait que la façon dont est représenté le monde extérieur varie à chaque étape d'une chaîne
sensorielle. Ainsi, les neurones de l'appareil visuel situés le plus en
périphérie du système sensoriel (p. ex., les cellules ganglionnaires de
la rétine) répondent généralement à une grande variété de stimuli
sensoriels (code "dense"), tandis que les neurones centraux (p. ex., les
neurones du cortex visuel primaire situés dans la partie postérieure du
cerveau) ont tendance à répondre de façon beaucoup plus sélective (code
"épars"). Les professeurs Chacron et Cullen ont découvert que la
transmission sélective de l'information provenant des neurones des
noyaux vestibulaires qu'ils ont pu observer pour la première fois se
produit dès la première synapse cérébrale. "Nous avons pu démontrer que
le cerveau a développé une stratégie
de calcul très élaborée pour représenter les changements brusques de
mouvements afin de réagir rapidement et avec précision et d'assurer le
maintien de l'équilibre", explique la professeure Cullen. "Je ne peux
m'empêcher d'utiliser le terme élégante pour décrire cette stratégie,
car elle l'est véritablement."
Cette sélectivité de la réponse est importante pour les activités de la
vie quotidienne, car elle permet au cerveau de mieux percevoir les
changements brusques de position du corps. Ainsi, si vous ratez une marche en descendant un escalier,
votre cerveau recevra l'information dont il a besoin et effectuera les
calculs nécessaires pour vous aider à retrouver votre équilibre, et ce,
en l'espace de quelques millisecondes seulement. Cette découverte
devrait s'appliquer à d'autres systèmes sensoriels et mener ultimement à
la mise au point
de traitements plus efficaces pour les patients qui doivent composer
avec des vertiges, des étourdissements et de la désorientation dans le
cadre de leurs activités quotidiennes. Elle pourrait également permettre
de concevoir des traitements susceptibles de soulager les symptômes du
mal des transports et du mal de l'espace au sein d'environnements moins familiers.
Cette étude a été réalisée par Corentin Massot, boursier postdoctoral au Département de physiologie, et Adam Schneider, doctorant au Département de physique.
Résumé de l'article. Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et les Fonds de recherche du Québec - Nature et technologies.