Des scientifiques estiment qu’il n’appartient pas aux auteurs du rapport de proposer des solutions.

Par LAURE NOUALHAT

Tel un pavé dans la mare, l’étude de Nature aurait pu éclabousser le sommet de la Terre de Rio+20, qui s’est déroulé au Brésil en juin. Au lieu de ça, elle a fini dans les limbes de la realpolitik de l’environnement : à la trappe. C’est pour le moins dommage, puisqu’elle ne fait que parler, en filigrane, du destin des civilisations humaines.

«Il y a eu peu d’écho, c’est vrai, mais j’y vois deux raisons possibles, avance Jean Jouzel, climatologue membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). D’abord, cette étude ne convainc pas complètement, sur le plan scientifique, que le bouleversement aura bien lieu durant ce siècle. Ça pourrait tout aussi bien se produire dans deux cents ou trois cents ans. Par ailleurs, comme pour le diagnostic sur les changements climatiques, les gens ne veulent pas écouter ça.» Ils veulent savoir, pour ensuite oublier.

Tout cela est-il évitable, dans le fond ? Oui… et non, selon Tony Barnosky, qui a coordonné les travaux de Nature : «Si l’humanité continue comme elle l’a toujours fait, sans réaliser qu’elle est devenue une puissance géologique, au même titre qu’un volcan ou une météorite, elle va au-devant de très mauvaises surprises, comme des déstabilisations économiques et politiques qui dégraderont sensiblement notre qualité de vie. Toutefois, les humains sont assez intelligents, et si nous multiplions vite des actions nous pourrions peut-être inverser le cours des choses.»

A la fin de leur étude, les auteurs n’hésitent donc pas à proposer des pistes : la mise en œuvre d’une coopération globale, «seule issue pour résoudre un problème global» ; la réduction «drastique» de la pression démographique et de la consommation des ressources par individu ; le remplacement rapide des énergies fossiles par des énergies alternatives ; la production de nouvelles ressources alimentaires sans consommer plus de territoires ou d’espèces sauvages, etc.

Des idées qui auraient mérité d’être sacrément développées. Et qui chiffonnent certains. «Au Giec, nous ne faisons pas de préconisations politiques, poursuit Jouzel. On fait un diagnostic sur le fait que les émissions de gaz à effet de serre sont responsables du réchauffement. Le choix de réduire ou non ces émissions, c’est aux hommes politiques de le faire.»

Pour le philosophe Yves Michaud, «les remèdes proposés dans les dernières lignes relèvent de l’incantation». «On a déjà entendu tout ça. Tout le monde est d’accord mais, dans le même temps, on attend de l’industrie du 4 × 4 et du tourisme le retour de la sainte Croissance !»

Voir l'étude en question: http://www.scribd.com/doc/102529290/L-etude-de-Nature