Quand le figuier mâle imite l'odeur de la femelle
Par Benje le dimanche, août 19 2012, 21:54 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS-INEE
Une équipe dirigée par des chercheurs du Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive vient de mettre en évidence un cas de mimétisme chimique particulièrement élaboré chez le figuier méditerranéen. Les guêpes qui pollinisent cette espèce n'ayant rien à gagner à visiter les arbres femelles, les arbres mâles modifient l'odeur qu'ils émettent, de manière à ce que les insectes ne puissent pas distinguer les sexes. Une étude publiée dans Ecology Letters.
Les figuiers sont un modèle de mutualisme obligatoire et spécifique de
pollinisation puisque le pollinisateur de chacune des 800 espèces ne
peut aussi se reproduire que dans les fleurs de celle-ci; ils dépendent
donc l'un de l'autre pour leur reproduction. Seule espèce de figuier
présente en milieu tempéré, avec un hiver froid, le figuier méditerranéen (Ficus carica) a une floraison en deux phases qui rend sa reproduction particulièrement intéressante. Au printemps, son pollinisateur, une mini-guêpe nommée Blastophaga psenes,
sort de sa dormance hivernale dans les figues pour aller pondre dans
une première génération de nouvelles figues réceptives - qui sont, à ce stade, des sortes d'urnes à fleurs -, uniquement portées par les arbres mâles. Cette phase
permet d'augmenter les effectifs du pollinisateur. En été, quand les
nouveaux blastophages émergent, les figuiers connaissent leur seconde
floraison, qui concerne cette fois arbres mâles et femelles. Les
insectes ont donc le choix, à cette différence près que les figues des
arbres femelles ne sont d'aucun intérêt pour eux, puisque la structure
des fleurs ne leur permet pas d'y pondre. D'où la question: comment le
figuier s'y prend-il pour inciter les guêpes à visiter tout de même les
femelles, lesquelles attendent le pollen des mâles ?
C'est là qu'entre en jeu le mimétisme chimique intersexuel. L'étude publiée dans Ecology Letters
montre qu'entre la floraison de printemps et celle d'été, les figuiers
mâles modifient l'odeur attirante qu'ils émettent et que celle-ci se
confond avec celle des figuiers femelles, ce qui empêche les
pollinisateurs de distinguer le sexe des figues. Cette démonstration
a été possible grâce à l'analyse chimique des différentes odeurs
émises. Elle a été confirmée par la technique d'électro-antennographie
qui consiste à détecter la réponse électrique de l'antenne
de l'insecte lors de l'exposition à des composés olfactifs. Cette
détection se fait en plaçant une première électrode sur l'antenne et une
seconde sur le corps de l'insecte, opération particulièrement délicate
dans le cas du blastophage chez qui il n'y a que 3 millimètres du bout
de l'antenne à l'extrémité du corps !
Ces résultats montrent l'intérêt de l'écologie chimique pour saisir
l'écologie et l'évolution des interactions plantes-insectes. Combinée à
l'écologie comportementale et à l'électrophysiologie, cette approche interdisciplinaire permet une compréhension globale de l'organisation des interactions entre espèces et donc des écosystèmes.
Référence: Evidence for intersexual chemical mimicry in a dioecious plant, Ecology
Letters, Catherine C. L. Soler, Magali Proffit, Jean-Marie Bessière,
Martine Hossaert-McKey & Bertrand Schatz.