Source: CNRS-INEE

Une équipe dirigée par des chercheurs du Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive vient de mettre en évidence un cas de mimétisme chimique particulièrement élaboré chez le figuier méditerranéen. Les guêpes qui pollinisent cette espèce n'ayant rien à gagner à visiter les arbres femelles, les arbres mâles modifient l'odeur qu'ils émettent, de manière à ce que les insectes ne puissent pas distinguer les sexes. Une étude publiée dans Ecology Letters.

Les figuiers sont un modèle de mutualisme obligatoire et spécifique de pollinisation puisque le pollinisateur de chacune des 800 espèces ne peut aussi se reproduire que dans les fleurs de celle-ci; ils dépendent donc l'un de l'autre pour leur reproduction. Seule espèce de figuier présente en milieu tempéré, avec un hiver froid, le figuier méditerranéen (Ficus carica) a une floraison en deux phases qui rend sa reproduction particulièrement intéressante. Au printemps, son pollinisateur, une mini-guêpe nommée Blastophaga psenes, sort de sa dormance hivernale dans les figues pour aller pondre dans une première génération de nouvelles figues réceptives - qui sont, à ce stade, des sortes d'urnes à fleurs -, uniquement portées par les arbres mâles. Cette phase permet d'augmenter les effectifs du pollinisateur. En été, quand les nouveaux blastophages émergent, les figuiers connaissent leur seconde floraison, qui concerne cette fois arbres mâles et femelles. Les insectes ont donc le choix, à cette différence près que les figues des arbres femelles ne sont d'aucun intérêt pour eux, puisque la structure des fleurs ne leur permet pas d'y pondre. D'où la question: comment le figuier s'y prend-il pour inciter les guêpes à visiter tout de même les femelles, lesquelles attendent le pollen des mâles ?

C'est là qu'entre en jeu le mimétisme chimique intersexuel. L'étude publiée dans Ecology Letters montre qu'entre la floraison de printemps et celle d'été, les figuiers mâles modifient l'odeur attirante qu'ils émettent et que celle-ci se confond avec celle des figuiers femelles, ce qui empêche les pollinisateurs de distinguer le sexe des figues. Cette démonstration a été possible grâce à l'analyse chimique des différentes odeurs émises. Elle a été confirmée par la technique d'électro-antennographie qui consiste à détecter la réponse électrique de l'antenne de l'insecte lors de l'exposition à des composés olfactifs. Cette détection se fait en plaçant une première électrode sur l'antenne et une seconde sur le corps de l'insecte, opération particulièrement délicate dans le cas du blastophage chez qui il n'y a que 3 millimètres du bout de l'antenne à l'extrémité du corps !

Ces résultats montrent l'intérêt de l'écologie chimique pour saisir l'écologie et l'évolution des interactions plantes-insectes. Combinée à l'écologie comportementale et à l'électrophysiologie, cette approche interdisciplinaire permet une compréhension globale de l'organisation des interactions entre espèces et donc des écosystèmes.

Référence: Evidence for intersexual chemical mimicry in a dioecious plant, Ecology Letters, Catherine C. L. Soler, Magali Proffit, Jean-Marie Bessière, Martine Hossaert-McKey & Bertrand Schatz.