Prévenir le cancer grâce à de meilleures habitudes... dentaires
Par Benje le vendredi, octobre 5 2012, 22:30 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
La bouche comme porte d'entrée pour des maladies mortelles ? Cela semble
invraisemblable pour le grand public mais pas pour les spécialistes de
la santé buccale. "On trouve de plus en plus de recherches
épidémiologiques sur l'état de la dentition et des gencives relativement
à la manifestation de maladies cardiovasculaires, du diabète de type 2
et de certains types de cancers", mentionne Elham Emami, professeure à
la Faculté de médecine dentaire de l'Université de Montréal.
Une saine dentition permettrait de mieux mastiquer, un geste qui
facilite la digestion. De plus, les gens qui ont de bonnes dents font en
général de meilleurs choix nutritionnels: plus de fruits et de légumes,
moins de sucre et d'alcool. Les dents et les gencives seraient ainsi
des barrières naturelles contre différents contaminants.
Avec son collègue de la Faculté de médecine le Dr Igor Karp, la
professeure Emami vient d'obtenir 120 000 $ sur deux ans pour étudier
l'incidence du cancer colorectal chez les personnes édentées. "Le Québec
est l'un des endroits dans le monde
où l'on compte le plus de personnes qui n'ont plus de dents dans la
bouche: 40% des gens de 65 ans et plus, selon une enquête récente",
résume la Dre Emami. Quant au cancer colorectal, il serait parmi les plus meurtriers au
Canada. La chercheuse rapporte que, chaque semaine, environ 430
Canadiens apprennent qu'ils en sont atteints et 175 en meurent. "Le
Québec a l'un des plus hauts taux de mortalité et de morbidité liés au cancer colorectal au pays", ajoute-t-elle.
Si quelques études ont cherché à clarifier les liens entre la dentition
et l'apparition des tumeurs, aucune n'avait spécifiquement porté sur les
personnes édentées. L'équipe de la Dre Emami tiendra compte également
des maladies parodontales, considérées comme des facteurs de risque
favorisant le développement du cancer. "La revue de la littérature scientifique
nous conduit à trois études récentes sur un sujet similaire. Deux
d'entre elles n'étaient pas concluantes, alors que la troisième révélait
un lien de cause à effet entre l'état de la dentition et l'incidence du
cancer colorectal. Mais ces études présentaient certaines lacunes que
nous voulons combler. Notre objectif est de dépister 500 cas et autant
de sujets témoins, et de concentrer nos efforts sur le lien de
causalité", explique-t-elle.
L'Ordre des dentistes du Québec et l'Université de Montréal sont les principaux partenaires de cette recherche. Plusieurs experts de l'Université McGill et de l'UdeM y collaborent, ainsi que des chercheurs du CHUM.
Une étude pilote, menée auprès de 30 patients, a permis de mesurer la faisabilité du projet
de recherche et de préciser la méthodologie. Quinze hôpitaux
montréalais participeront au recrutement des sujets; les entrevues
dureront environ 90 minutes.
L'hypothèse principale est que l'absence de dents prédispose au cancer
colorectal. On veillera par ailleurs à spécifier à quel point les maladies parodontales et les facteurs génétiques accroissent les risques.
Elham Emami ne s'étonne plus des réactions qu'elle suscite en présentant
ses projets de recherche. "Il y a rarement des dentistes dans les
comités de pairs qui évaluent les demandes de subvention.
Ceux-ci sont donc peu sensibilisés à l'influence de la santé buccale
sur la santé en général. Mais les choses changent avec le temps.
De plus en plus, on prend en considération des facteurs
environnementaux et comportementaux en médecine, et les chercheurs en
dentisterie peuvent apporter leur expertise."