Source: CNRS

Des scientifiques des laboratoires "Molécules de communication et adaptation des micro-organismes" et "Origine, structure et évolution de la biodiversité" (Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS) viennent de mettre en évidence un langage chimique qui conférerait un avantage écologique aux champignons endophytes, au bénéfice de la plante-hôte, lorsqu'ils sont en compétition avec les champignons phytopathogènes. Cette étude ouvre de nouvelles perspectives dans la lutte contre les champignons producteurs de mycotoxines susceptibles de contaminer les aliments et les fourrages. Les résultats sont publiés cette semaine dans la revue PLoS One.

Toutes les plantes abritent une flore fongique constituée de champignons non pathogènes dits "endophytes". Bien qu'ils soient invisibles et peu connus, leur fonction écologique apparait de plus en plus évidente puisqu'ils participeraient activement à une meilleure adaptation des plantes à leur environnement. Ils sont d'ailleurs qualifiés de mutualistes, exerçant un pouvoir protecteur pour les plantes. Une des composantes de ce mutualisme serait la production de molécules bénéfiques à la plante: ces molécules auraient des propriétés antibiotiques contre les agents phytopathogènes, insecticides ou anti-appétantes contre les insectes, neurotoxiques contre les herbivores, ou encore hormonales pour stimuler la croissance de la plante.

Les scientifiques ont étudié l'un de ces champignons endophytes, nommé Paraconiothyrium variabile et isolé d'un conifère du Jardin des Plantes de Paris. Ce champignon s'est montré particulièrement actif en inhibant, in vitro, la croissance d'un phytopathogène commun, Fusarium oxysporum.

Lors de la compétition in vitro sur boite de Pétri, la structure du phytopathogène observée par microscopies optique et électronique apparait altérée et désorganisée suggérant la sécrétion de molécules de défense par le champignon endophyte.

En étudiant comparativement par spectrométrie de masse les profils métaboliques des deux champignons pris isolément, et en les comparant avec ceux des deux mêmes champignons en compétition directe, les scientifiques ont mis en évidence la sécrétion spécifique d'une douzaine de petites molécules par le champignon endophyte lorsqu'il est en compétition avec le phytopathogène.

Deux d'entre elles ont été identifiées comme étant de la famille des oxylipines, des composés dérivés de l'oxydation des acides gras polyinsaturés et responsables de la communication chez de nombreux êtres vivants, végétaux et mammifères en particulier, mais peu étudiés chez les champignons.

Si ces molécules ne sont pas directement impliquées dans l'inhibition de la croissance du phytopathogène, suggérant l'existence d'un langage beaucoup plus complexe, elles sont capables d'inhiber de 90% la production d'une mycotoxine puissante, la beauvéricine, par le phytopathogène. Ces oxylipines auraient donc un rôle signal dans la régulation des cascades métaboliques, agissant comme un véritable langage moléculaire.

L'inhibition de la production de mycotoxines par les oxylipines fongiques pourrait donc conférer un avantage écologique aux champignons endophytes, au bénéfice de la plante-hôte, lors de leur compétition avec les phytopathogènes.

Il s'agit là des premiers résultats supportant l'hypothèse de l'induction de composés de défense chez un champignon endophyte au moment de la compétition avec un pathogène.

Cette étude ouvre de nouvelles perspectives dans la lutte contre les champignons producteurs de mycotoxines susceptibles de contaminer les aliments et les fourrages.

Référence: A. Combès, I. Ndoye, C. Bance, J. Bruzaud, C. Djedjat, J. Dupont, B. Nay, S. Prado. Chemical communication between the endophytic fungus Paraconiothyrium variabile and the phytopathogen Fusarium oxysporum. PLoS One, 15 octobre 2012.