L'autisme est un trouble neuro-développemental qui peut être abordé sous de nombreux angles: génétique, apprentissage, environnement, mais Angela Sirigu, docteur en médecine et en psychologie, a choisi, d'œuvrer dans le champ de la neuropsychologie et des neurosciences cognitives. Il faut savoir qu'il y a plusieurs formes d'autisme différentes. Depuis quelques années, cette maladie, longtemps considérée - à tort - comme liée à une interaction pathologique avec une mère défaillante, est due en réalité à des anomalies du développement cérébral, avec une composante génétique forte.

Ce travail a été publié en 2010 dans les Actes de l'Académie des sciences américaine (PNAS). Avec le Dr Elissar Alessandri et ses collègues du CNRS et de l'Inserm, Angela Sirigu a ouvert une nouvelle piste de recherche qui pourrait ajouter une arme au traitement de l'autisme.

Utilisée lors de l'accouchement

Cette arme a un avantage: elle existe déjà. Elle est même commercialisée, puisqu'il s'agit de l'ocytocine, une hormone parfois administrée au moment de l'accouchement pour faciliter les contractions utérines. En revanche, elle n'existe en France qu'en perfusion intraveineuse et les chercheurs ont dû s'approvisionner à l'étranger pour réaliser leur étude avec une forme de spray intranasal.

L'équipe du Dr Sirigu a donc observé les performances de 13 adultes autistes atteints du syndrome d'Asperger (une forme d'autisme de haut niveau dans laquelle les fonctions intellectuelles et le langage sont préservés) dans des relations sociales expérimentales après la prise d'ocytocine, une hormone qui est impliquée dans l'attachement maternel et les premières socialisations. «Mon hypothèse, détaille le Dr Sirigu, est que ces patients disposent de compétences sociales latentes qui ne s'expriment pas car la peur et le stress généré par l'interaction sociale font obstacle. L'ocytocine pourrait faire tomber ces barrières et renforcer le sens du contact social

C'est ce qui s'est produit lors des expériences menées. La première se fondait sur une observation déjà ancienne: dans le syndrome d'Asperger, les autistes ont tendance à fuir le regard de leur interlocuteur. «Lorsque l'on regarde un visage, on se concentre sur les yeux de son interlocuteur, explique la chercheuse, mais les autistes se concentrent sur la bouche et ne regardent pas les yeux.» Grâce à un capteur fixé à un ordinateur sur lequel on fait défiler des images de visage, on peut suivre le regard du patient. «Le plus étonnant, raconte le Dr Sirigu, c'est que l'ocytocine a été capable de réorienter le regard vers la région des yeux

Une heure et demi d'action

Il restait un test supplémentaire à réaliser. «Regarder les autres ne signifie pas que l'on sait comment se comporter avec eux ou quelles sont leurs intentions», glisse Angela Sirigu. Chose faite avec un petit jeu de ballon avec trois partenaires ayant des rôles secrets différents (bon, neutre, méchant). Sans ocytocine, les patients ne parviennent pas à identifier celui qui est leur ami. Par contre, grâce à l'ocytocine, la chose devient possible.

Est-ce le traitement miracle? Il est bien trop tôt pour le dire. D'abord parce qu'il ne s'agit que de 13 patients, ensuite parce que les signes de la maladie sont très hétérogènes et qu'il est toujours hasardeux d'extrapoler à tous des résultats obtenus avec un profil de patient particulier. Mais le plus gros obstacle vient de la nature même de l'hormone. En effet, l'ocytocine n'agit qu'une heure et demie et pas au-delà.

L'Institut de recherche pour l'autisme qui vient de s'ouvrir à Lyon avec à sa tête le Dr Sirigu va désormais s'attacher à explorer l'action de l'ocytocine sur le cerveau, mais aussi traquer les modifications neuronales dans le temps.