Nouvelles pistes de recherche sur les troubles du spectre autistique
Par Benje le mercredi, novembre 28 2012, 11:27 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Université de Montréal
Des chercheurs de l'Université McGill et de l'Université de Montréal ont
identifié un lien crucial entre la protéinogénèse et les troubles du
spectre autistique (TSA), lequel pourrait faciliter la mise au point de
nouveaux traitements. La protéinogénèse, aussi appelée traduction de
l'ARN messager, est le processus par lequel les cellules produisent les
protéines. Ce mécanisme influe sur tous les aspects du fonctionnement de
la cellule et de l'organisme.
Une nouvelle étude menée sur des souris a démontré que la production
anormalement élevée d'un groupe de protéines neuronales, les
neuroligines, entraîne des symptômes similaires à ceux observés chez les
personnes souffrant de TSA. L'étude révèle également qu'il est possible
de corriger les manifestations autistiques à l'aide de composés qui
freinent la protéinogénèse ou de thérapies géniques ciblant les
neuroligines. Les résultats de ces recherches sont publiés dans la revue
Nature.
Les TSA englobent un vaste ensemble
de troubles du développement neurologiques caractérisés par trois
critères : troubles au niveau des interactions sociales, troubles de communication et gestes répétitifs ou stéréotypés. Selon les Centres pour le contrôle
et la prévention des maladies des États-Unis, 1 enfant sur 88 est
atteint de TSA, des troubles qui sont signalés au sein de tous les
groupes ethniques et socioéconomiques. Par ailleurs, les TSA sont cinq
fois plus répandus chez les garçons (1 sur 54) que chez les filles (1
sur 252).
" Mon laboratoire est axé sur l'étude du rôle de la dérégulation de la
protéinogénèse dans l'étiologie du cancer. Mon équipe a été surprise de
découvrir que des mécanismes similaires intervenaient possiblement dans
le développement des TSA, explique le professeur Nahum Sonenberg, du
Département de biochimie de la Faculté de médecine de l'Université McGill et du Centre de recherche
sur le cancer Goodman. Nous avons utilisé un modèle murin dans lequel
un gène contrôlant l'initiation de la protéinogénèse avait été supprimé.
La production de neuroligines a augmenté chez les souris étudiées. Les
neuroligines jouent un rôle important dans la formation et la régulation
des jonctions synaptiques établies entre les cellules neuronales et le
cerveau, en plus d'être essentielles au maintien de l'équilibre de la
transmission d'informations d'un neurone à l'autre. "
" Depuis la découverte des mutations de neuroligines chez les personnes
souffrant de TSA, en 2003, le mécanisme moléculaire qui est en la source
exacte demeure inconnu, affirme Christos Gkogkas, boursier postdoctoral
et auteur principal. Nous sommes les premiers à établir une corrélation
entre le contrôle traductionnel des neuroligines et la fonction
synaptique altérée en lien avec les comportements autistiques chez les
souris. L'élément clé est que nous avons réussi à inverser les symptômes
similaires aux TSA chez les souris adultes. Dans un premier temps,
nous avons réduit la protéinogénèse en utilisant des composés conçus au
départ pour traiter le cancer. Ensuite, nous avons utilisé des virus ne
pouvant se répliquer pour freiner la synthèse excessive de
neuroligines. "
La modélisation informatique
a contribué de façon importante aux recherches. "Nous avons conçu un
algorithme informatique expressément pour répondre aux questions de
M. Sonenberg et nous avons ainsi identifié les structures uniques des
ARN messagers des neuroligines qui pourraient causer leur régulation
spécifique ", soutient François Major, chercheur à l'Institut de recherche en immunologie et en cancérologie et professeur au Département d'informatique et de recherche opérationnelle de l'Université de Montréal.
Les chercheurs ont découvert que la synthèse anormale de neuroligines provoque une hausse de l'activité
synaptique, ce qui affecte l'équilibre entre l'excitation et
l'inhibition synaptique des cellules cérébrales. Ces travaux ouvrent la
voie à de nouvelles pistes de recherche qui pourraient dévoiler les
secrets de l'autisme.
" Nous avons prévenu les comportements autistiques chez les souris en
diminuant la production d'un type de neuroligine en particulier et en
empêchant les changements d'excitation des cellules, indique Jean-Claude
Lacaille, chercheur au Groupe de recherche sur le système nerveux
central et professeur au Département de physiologie de l'Université de
Montréal. En somme, nous avons manipulé les mécanismes régissant les
cellules cérébrales et avons étudié l'influence de ceux-ci sur le
comportement de l'animal. "
Les chercheurs ont également été en mesure d'entraver les changements
d'inhibition et d'accroître les comportements typiquement autistiques en
modifiant une autre neuroligine. " Le fait que l'équilibre synaptique
puisse être perturbé permet de croire que l'autisme pourrait être traité
par des thérapies pharmacologiques ciblant les mécanismes étudiés ",
conclut M. Lacaille.